Les Athéniens furent, parmi les peuples de la Grèce, celui
qui eut la plus puissante organisation maritime. De toutes leurs charges, la
plus onéreuse était celle de la marine. Les galères furent d'abord armées par
les plus riches particuliers. Il parut ensuite une loi qui, conformément au
nombre des tribus, partageait en dix classes, de cent vingt citoyens chacune,
tous ceux qui possédaient des terres, des fabriques, de l'argent placé dans le
commerce. Comme ils tenaient entre leurs mains presque toutes les richesses de
l'Attique, on les obligeait à entretenir et à augmenter au besoin les forces
navales de l'État. Quand un armement était ordonné, chacune des dix tribus
faisait lever dans son district autant de talents qu'il y avait de galères à
équiper, et les exigeait d'un pareil nombre de compagnies, composées quelquefois
de seize de ses contribuables. Les sommes perçues étaient distribuées aux
triérarques, capitaines de vaisseau. On en nommait deux pour chaque galère,
et leur pouvoir durait une année Συντριηραρχοί. Ils
s'arrangeaient entre eux pour faire le service; la plupart du temps
chacun d'eux servait six mois. Ils recevaient de l'État le navire, les agrès et
la solde de l'équipage, et ils fournissaient tout le reste. La loi, dont nous ne
connaissons pas les termes, disait comment les comptes seraient réglés entre le
triérarque entrant et le triérarque sortant, au moment de la reprise du service.
Cette organisation était défectueuse en ce qu'elle rendait
l'exécution très lente, en ce que l'inégalité des fortunes n'était pas prise en
considération, car les plus riches ne contribuaient quelquefois que dans une
infime proportion à l'armement d'une galère. Démosthène fit passer un décret qui
rendit la perception de l'impôt plus facile et plus conforme à l'équité: tout
citoyen dont la fortune était de dix talents (48,395 fr.) devait au besoin
fournir à l'État une galère; il en fournissait deux s'il avait vingt talents;
mais, quelque considérable que fût sa fortune, on n'exigeait de lui que trois
galères et une chaloupe. Les citoyens qui avaient moins de dix talents se
réunissaient pour contribuer d'une galère.
L'équipage d'une galère se composait de trois éléments: 1º
les rameurs, ναυται, pour la solde desquels l'État remettait des fonds aux
triérarques; 2º les matelots, ύπηρίται, qui étaient au choix et à la charge des
triérarques; 3º enfin, les soldats de marine, ύπιδάται. D'après les calculs
faits par Bœckh sur de
nombreux textes épigraphiques, une galère athénienne était montée par
environ 170 rameurs, 56 en moyenne sur chaque banc[1].
Les apostoles, Αποστολείς, veillaient à ce que la flotte fût promptement armée;
ils pouvaient faire mettre en prison les triérarques qui ne s'acquittaient pas à
temps de leurs obligations. Quand une expédition maritime était ordonnée, le
peuple d'Athènes insérait ordinairement dans son décret la promesse d'une
couronne pour celui des triérarques qui aurait le premier amené sa galère au
pied du môle. Les commandants des galères qui cherchaient à se distinguer de
leurs rivaux ne négligeaient rien pour avoir les bâtiments les plus légers et
les mieux ornés et les meilleurs équipages; ils augmentaient quelquefois à leurs
dépens la paye des matelots. Cette émulation, excitée par l'espoir des honneurs
et des récompenses, était très avantageuse dans un État dont la moindre guerre
épuisait le trésor.
Souvent aussi les flottes répandaient la désolation sur les
côtes ennemies, et, revenant chargées de butin, rapportaient plus qu'elles
n'avaient coûté. Lorsqu'elles pouvaient s'emparer du détroit de l'Hellespont[2],
elles exigeaient de tous les vaisseaux qui faisaient le commerce du Pont-Euxin
le dixième des marchandises qu'ils portaient, et
cette contribution forcée servait à indemniser en partie la République des
dépenses qu'elle avait faites[3].