Car un pays sans passé est un pays sans avenir...

 
Mythologie
 
 

 

 

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Les mensonges de l'Histoire


L'Angleterre n'a jamais été envahie

Aujourd'hui, il existe une idée particulièrement vivace au sein de l'inconscient collectif, selon laquelle l'Angleterre n'aurait jamais été envahie (ou du moins pas depuis la conquête normande de 1066).

Mais qu'en est-il en vraiment ? Les Britanniques parvinrent-ils à empêcher tout débarquement de troupes pendant près de mille ans ? Ou bien s'avèrerait-il que cette légende ne corresponde pas à la réalité ?

Les Normands débarquent en Angleterre, gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.

 

A la fin de l'Antiquité, profitant de l'affaiblissement de l'Empire romain, plusieurs tribus germaniques tentèrent de s'installer en Angleterre : Angles, Saxons[1], Jutes, Frisons, etc.

Mais ces derniers, vaincus vers l'an 500 par une coalition bretonne, lors de la bataille du mont Badon[2], ne parvinrent à s'implanter durablement dans ce pays qu'à compter du VI° siècle après Jésus-Christ.

En l'espace de quelques années, les Saxons parvinrent à donner naissance à plusieurs petits royaumes, tels que le Middlesex (ce qui signifie « Saxons du milieu »), le Sussex (« Saxons du sud »), le Wessex (« Saxons de l'ouest ») et l'Essex (« Saxons de l'est »).

Au VII° siècle, ces petits royaumes donnèrent naissance à l'heptarchie[3] (ce qui signifie « sept royaumes »).  

La Grande Bretagne vers l'an 800.

 

Cependant, l'Angleterre fut la cible de nouvelles attaques, organisées par les Vikings (appelés aussi Danois par Britanniques), qui s'emparèrent de Londres en 850, puis d'York en 867.

Les petits royaumes de l'heptarchie, ne parvenant pas à faire face, disparurent les uns après les autres, permettant aux envahisseurs d'occuper tout le nord-est de l'Angleterre, donnant ainsi naissance au Danelaw

Au X° siècle, l'on ne comptait qu'une poignée d'Etats indépendants, parmi lesquels l'Ecosse, le pays de Galles, et surtout le Wessex, qui parvint à lutter efficacement contre les Danois, reprenant York en 927.

La Grande Bretagne vers l'an 886.

Mais le roi du Wessex, Ethelred II le Malavisé, fut contraint de faire face à une vaste contre-offensive danoise en 991, organisée par Sven Barbe-fourchue. Ce dernier, remportant la bataille de Maldon, contraignit le roi du Wessex à se réfugier en Normandie, auprès de Richard II, duc de Normandie, dont il avait épousé la soeur Emma en secondes noces.  

Ethelred ne rentra en Angleterre qu'en 1014, suite à la mort de Sven, et décéda deux années plus tard, cédant le trône à son fils, Edmond Côte-de-fer.

En 1016, ce dernier décida d'affronter une bonne fois pour toutes son adversaire Knut le Grand, souverain du Danelaw (il s'agissait du fils de Sven Barbe-fourchue). A l'issue de la bataille d'Assandun, remportée par les Danois, Edmond fut contraint de négocier : ainsi, les deux rois conservaient leurs titres et leurs royaumes ; cependant, si l'un deux mourrait sans héritiers, le royaume reviendrait au survivant.

C'est ainsi qu'à la mort d'Edmond, à peine deux mois plus tard, Knut récupéra la couronne d'Angleterre, régnant désormais sur tout le pays.

Suite au décès de Knut, survenu en 1035, ses deux fils lui succédèrent : Harold I° Pied de lièvre, qui régna de 1035 à 1040 ; puis son cadet Hardiknut (1040 à 1042). Ce souverain, plutôt impopulaire, invita alors son demi-frère Edouard (surnommé le Confesseur) à le rejoindre à sa Cour[4]

Ce dernier, à la mort d'Hardiknut, récupéra alors la couronne d'Angleterre, régnant de 1042 à 1066.

Mais le roi, qui avait passé une bonne partie de sa vie en France, était bien plus proche de ses alliés normands qu’il ne l’était des Anglo-saxons, ce qui irrita ces derniers. A la mort d'Edouard le Confesseur, décédé sans héritiers, un conflit éclata entre Harold II Godwin, comte d’Essex (qui était le beau-frère du défunt), et Guillaume le Bâtard, duc de Normandie[5] (à qui Edouad avait promis le trône[6]).

 

Guillaume, qui bénéficiait du soutien du pape Alexandre II (qui excommunia Harold II et ses partisans), fit rassembler une grande flotte, destinée à envahir l’Angleterre. Cependant, en raison du mauvais temps, la traversée fut retardée d’un mois.  

Les Normands débarquèrent sur les côtes anglaises à la fin du mois de septembre 1066, alors que les troupes d'Harold II luttaient contre les Danois menés par Harald le Sévère, roi de Norvège (ce dernier n'avait pas abandonné ses prétentions sur l'Angleterre). Les Saxons parvinrent à remporter la bataille de Stamford Bridge, au cours de laquelle Harald fut tué (mettant définitivement fin à l'ère viking dans les îles britanniques), mais furent trop épuisés pour lutter efficacement contre les Normands.

C'est ainsi que le duc de Normandie parvint à remporter la bataille de Hastings, en octobre 1066, au cours de laquelle Harold II fut tué.

La bataille de Hastings, par Tom LOVELL.

Par la suite, Guillaume marcha vers Canterbury et Londres, qui ouvrirent leurs portes sans combattre. Ce dernier se fit alors couronner roi d'Angleterre dans l’abbaye de Westminster, le jour de noël 1066.

Cependant, de nombreux aristocrates saxons ou danois refusèrent de se soumettre au nouveau souverain, et la pacification de l'Angleterre dura encore dix ans.

  

C'est ainsi que, selon la légende, l'offensive de Guillaume de Normandie, en 1066 fut la dernière invasion réussie de l'Angleterre. Mais qu'en est-il réellement ?

Aujourd'hui, l'on connait de nombreuses tentatives d'invasion ratées des îles britanniques.

- Parmi celles-ci, l'on pourrait citer une tentative de débarquement, planifiée par les Français pendant la guerre de Cent Ans, mais jamais mise en place.

- L'offensive menée par l'Invincible Armada, une grande flotte de guerre armée par Philippe II, roi d'Espagne, à l'été 1588. Cette dernière, composée de 130 navires et 30 000 soldats, avait pour objectif d'éliminer la flotte britannique, puis de débarquer les troupes espagnoles en Angleterre. Cependant, de nombreux vaisseaux furent détruits lors d'une tempête, en septembre 1588, contraignant l'Armada à reculer vers l'Espagne.   

L'Invincible Armada.

- Un projet d'invasion de l'Angleterre, planifié par la France en 1744, dans le contexte de la guerre de Succession d'Autriche[7], mais jamais exécuté ; qui fut repris quelques années plus tard, en 1759, dans le contexte de la guerre de Sept Ans[8] (mais une fois encore, cette tentative de débarquement fut annulée).

- Le projet de Napoléon I°, qui réunit une grande armée à Boulogne, en 1803 (l'objectif était de profiter du brouillard pour débarquer en Angleterre, la flotte britannique étant supérieure à celle des Français). A noter que de nombreux savants avaient tenté d'imaginer d'autres moyens d'envahir l'Angleterre (ballons dirigeables, sous-marins, tunnel sous la Manche, etc.).

Plusieurs projets d'invasion de l'Angleterre : flotte de guerre, montgolfières, tunnel sous la Manche.

- La dernière tentative en date d'invasion de l'Angleterre fut organisée pendant la Seconde Guerre mondiale, à l'initiative d'Adolf Hitler[9]. L'opération Lion de mer (ou Unternehmen Seelöwe en allemand), lancée en octobre 1940, devait permettre à l'armée allemande de débarquer sur les côtes anglaises, puis de progresser vers l'intérieur du pays. Cependant, cette offensive ne fut pas fructueuse, les Allemands changeant régulièrement d'objectifs : le Kanalkampf (ou « guerre de la Manche »), visant la flotte marchande britannique, en juillet ; l'Adlerangriff (« attaque de l’aigle »), visant les appareils de la Royal Air Force, pendant l'été ; puis le blitz (visant les habitations civiles, de septembre 1940 à mars 1941.

Reconstituion des bombardements sur Londres, Imperial war museum, Londres.

 

Cependant, il convient de préciser que, contrairement à ce que l'on pourrait penser, plusieurs projets d'invasion de l'Angleterre, postérieurs à 1066, furent couronnés de succès.

Ainsi, si l'on peut écarter d'emblée les nombreuses incursions écossaises sur le sol anglais, du XIV° au XVII° siècle, en vertu de l'Auld Alliance[10] (dans la mesure où il ne s'agissait pas de débarquements maritimes à proprement parler), l'Histoire a gardé trace de plusieurs offensives d'importance. Parmi celles ci, l'on pourrait citer :

- Le débarquement des troupes du prince Louis (futur Louis VIII) en 1216, ce dernier ayant été appelé par les grands seigneurs du royaume, en lutte contre le roi d'Angleterre Jean (surnommé Jean sans Terre car à la mort de son père Henri II, il n'était pas destiné à devenir roi ou à recevoir un quelconque territoire en héritage[11]). Louis, parvenant à mettre en déroute les armées du roi d’Angleterre, fut reçu triomphalement à Londres. Cependant, le roi Jean mourut rapidement, en octobre 1216, laissant derrière lui un fils encore jeune, nommé Henri III. Les grands seigneurs, n’ayant aucun grief à formuler contre le jeune roi (d’autant que ce dernier était facilement manipulable du fait de sa minorité), décidèrent alors de se retourner contre contre Louis. Ce dernier, rentrant en France afin de chercher des renforts, débarqua une seconde fois en Angleterre en début d'année 1217. Toutefois, vaincu sous les murs de Lincoln au mois de mai, il fut contraint de négocier, abandonnant ses prétentions sur la couronne d'Angleterre, en échange d'une forte somme d'argent.

- L'invasion d'Isabelle de France et Roger Mortimer, en 1326. La jeune femme, qui avait épousé en 1308 Edouard II, roi d'Angleterre, se trouvait à cette date en France afin de négocier la paix avec son frère, le roi de France Charles IV[12]. Cette dernière y rencontra Roger Mortimer, comte de March, avec lequel elle entretint une liaison. Cela faisant scandale, les deux amoureux furent invités à quitter la France ; cependant, plutôt que de rentrer à Londres, ils se rendirent en Flandre, où ils recrutèrent des troupes afin de prendre le pouvoir en Angleterre. Edouard II, décidant d’en découdre, fut toutefois trahi par une partie de ses troupes. Isabelle et Mortimer parvinrent alors à rentrer dans Londres, capturant Edouard II peu de temps après. Ce dernier, décidant d'abdiquer en faveur de son jeune fils (le futur Edouard III), fut retrouvé mort dans sa prison en septembre 1327.

Isabelle débarque en Angleterre, par Jean Fouquet, enluminure issue de l'ouvrage Grandes chroniques de France, Paris, France, XV°siècle.

- La Glorieuse révolution de 1688. A cette date, Guillaume III d'Orange, stathouder[13] des Provinces-Unies[14], souhaitait que l'Angleterre participe à un conflit contre Louis XIV. Cependant, le roi d'Angleterre Jacques II était proche de la France, ce dernier étant par sa mère le petit-fils d'Henri IV, et plutôt favorable à la religion catholique (alors que l'Angleterre était protestante depuis le XVI° siècle). Guillaume III, qui avait épousé Marie, fille de Jacques II, en octobre 1677, décida alors de lancer une grande offensive contre l'Angleterre, en novembre 1688. Ce dernier, à la tête d'une imposante flotte de guerre (composée de presque 400 navires), parvint à débarquer dans les îles britanniques sans rencontrer d'oppositions. Jacques II, trahi par ses troupes, fut alors contraint de fuir, cédant la couronne à Guillaume III, qui fut couronné en février 1689.

Statuette à l'effigie de Guillaume III d'Orange, par Jan VAN NOST, vers 1700, Deutsches historisches museum, Berlin.

 

Ainsi, si la Glorieuse révolution fut la dernière invasion réussie de l'Angleterre, force est de constater que la réputation d'inviolabilité de ce pays ne résiste pas à l'épreuve des faits.

Il semblerait donc que le mythe d'une Angleterre « jamais envahie » se soit forgé progressivement au fil des siècles, dans un premier temps pendant les guerres napoléoniennes, et surtout lors de la Seconde Guerre mondiale, alors que le pays était directement menacé par le Troisième Reich. 

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[1] C'est du nom de ces deux tribus que dérive le terme « anglo-saxon », désignant les pays influencés par la culture britannique (îles britanniques, Etats-Unis, Canada à l'exception du Québec de culture française, Australie, Nouvelle-Zélande, etc.).

[2] Aujourd'hui, nous ne possédons que peu de sources concernant cet évènement. Ainsi, ce dernier est présenté dans certaines chroniques comme une bataille livrée par le légendaire roi Arthur en personne.

[3] A noter toutefois que le concept d'heptarchie n'est pas contemporain du VII° siècle, mais ayant fait son apparition bien plus tard, au début du XII° siècle, à une époque où l'Angleterre était unifié depuis longtemps déjà. Ainsi, l'on estime aujourd'hui que le système de l'heptarchie ne correspond pas vraiment à la réalité de l'époque, en raison du statut relativement mineur de certains royaumes (tels que l'Essex ou le Sussex).

[4] Hardiknut et Edouard avait la même mère, Emma de Normandie, qui suite à la mort d'Ethelred II avait épousé Knut le Grand. Le Confesseur était donc aussi le demi-frère d'Edmond Côte-de-fer, les deux hommes étant les fils d'Ethelered II.

[5] A noter que Guillaume, à l'instar du défunt, était lui aussi un descendant des Vikings. Ainsi, l'ancêtre de ce dernier était le célèbre Hrolf (francisé en Rollon), qui avait reçu le titre de duc de Normandie en 911, des mains de Charles le Simple, roi des Francs. Pour en savoir plus à ce sujet, cliquez ici

[6] A noter qu'Edouard le Confesseur, souverain peu puissant, aurait promis le trône d'Angleterre à plusieurs de ses vassaux afin de juguler leurs désirs de révolte.

[7] A sa mort, en septembre 1740, Charles VI, Empereur germanique et archiduc d'Autriche, ne laissait pas d'héritier mâle. Ce dernier n'avait qu'une fille, Marie-Thérèse, âgée de 23 ans. Le roi de Prusse Frédéric II, percevant cette situation comme un aveu de faiblesse, en profita pour attaquer l'Autriche.  Le conflit, qui dura sept ans, s'acheva sur une victoire franco-prussienne en 1748. Toutefois, si Frédéric II parvint à agrandir ses Etats, Louis XV, au contraire, décida d'adopter une position d'arbitre plutôt que de conquérant. C'est ainsi que naquit l’expression se battre pour le roi de Prusse. Pour en savoir plus sur ce conflit, cliquez ici.

[8] Quelques années après la fin de la guerre de Succession d'Autriche, en 1756, Frédéric II signa un traité d'alliance avec l'Angleterre ; la même année, la France répliqua en se rapprochant de l'Autriche, ce qui déclencha la guerre de Sept Ans. Ce conflit, opposant principalement la France à Angleterre ainsi que l’Autriche à la Prusse, se déroula sur trois théâtres d’opérations distincts : en Europe, en Amérique du nord et en Asie. La guerre de Sept Ans s'acheva sur une défaite française, Louis XV étant contraint de céder le Canada, la Louisiane, et plusieurs comptoirs d'Inde à l'Angleterre ;  Frédéric II, quant à lui, ayant cumulé les revers, se contenta de sauvegarder les territoires acquis aux dépends de l'Autriche en 1748. Pour en savoir plus sur ce conflit, cliquez ici.

[9] Hitler, né en avril 1889, parvint à faire du Parti nazi une formation politique de premier plan en l'espace de quelques années. Ainsi, il fut nommé chancelier du Reich par le président Paul von Hidenburg en janvier 1933. Au mois de mars, bien que ne disposant pas de la majorité absolue au sein du Parlement, il demanda aux députés de voter en faveur de la loi allemande des pleins pouvoirs, première étape vers la dictature nazie.

[10] L'Auld Alliance, ou « Vieille Alliance » en français, fut créée en 1165, unissant la France et l’Ecosse contre l’Angleterre (à noter que la Norvège fut signataire de cet traité avant de s'en retirer). Au fil des siècles, cette alliance fut invoquée à plusieurs reprises par les deux pays. Cette dernière garantissait la double nationalité entre les deux Etats, permit l’implantation d’un fort courant francophone en Ecosse, et autorisa de nombreux Ecossais à s’engager comme mercenaires au service du roi de France. A noter que le souvenir de cette alliance est toujours très ancré dans la mémoire des Ecossais, qui la considèrent comme le symbole de leur indépendance vis-à-vis de l’Angleterre.

[11] Pour en savoir plus sur le règne d'Henri II, cliquez ici

[12] En effet, Edouard II ayant refusé de prêter hommage à Charles IV, qui était son suzerain, le roi de France décida de lui confisquer l'Aquitaine pour cause de félonie. A noter que le traité négocié par Isabelle fut sans surprise très avantageux pour la France, Charles IV conservant une partie de l’Aquitaine, le reste ne devant être évacué qu'après paiement par l'Angleterre d'une forte indemnité de guerre.

[13] Le stathoudérat était une fonction politique et militaire née aux Pays-Bas au cours du Moyen Age. Le stathouder (ce qui signifie « lieutenant ») avait pour objectif de protéger une province lors de l’absence du souverain. Suite à l'indépendance des Provinces-Unies, en 1648, il fut décidé de nommer un stathouder dans chacun des Etats du royaume. Depuis le XVI° siècle (malgré quelques interruptions.), le stathoudérat était devenu héréditaire dans la province de Hollande, détenu par la famille Orange-Nassau.

[14] Il s'agit de l'ancien nom des Pays-Bas actuels.

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