Faux ! Combien de fois avons nous entendu, à la
télévision ou à la radio, des publicités faisant la promotion de la
Hollande ? Selon ces réclames, il s'agirait d'un pays réputé pour son
fromage, ses fleurs, et son cadre de vie.
Mais en réalité, la Hollande n'est pas un Etat mais bien une province des
Pays-Bas, comme nous allons le voir dans cet article.
Paysage typique des Pays-Bas.
Les Pays-Bas, ancien territoire sous domination
franque[1],
furent intégrés au Saint Empire romain germanique à compter du XI° siècle[2].
Dès cette époque, les habitants de la région entreprirent de s'étendre vers
l'ouest, un territoire inhabité car très marécageux. C'est ainsi
qu'apparurent des fermes indépendantes des villages qui existaient alors,
fait unique en Europe à cette date.
Le Saint Empire germanique à l'époque médiévale (976 à 1248).
A la fin du Moyen-âge, les Pays-Bas furent acquis
par les ducs Bourguignons[3],
qui, outre leur fief de Bourgogne, possédaient le Nord-Pas-de-Calais, le Luxembourg, et
l'actuelle Belgique. Charles le Téméraire, dernier duc de Bourgogne,
tenta d'opérer la jonction de ses Etats et de prendre son indépendance[4].
Ce dernier, s'attaquant à Louis XI, roi de France, fut toutefois vaincu et
tué lors du siège de Nancy, en janvier 1477[5].
Le défunt n'avait qu'une
fille, Marie, qui décida d'épouser Maximilien, Empereur germanique,
au grand dam de Louis XI qui ne put récupérer qu'une partie des possessions
du défunt (à savoir la Bourgogne). C'est ainsi que les Pays-Bas retombèrent sous domination
germanique.
De gauche à droite : Louis XI, Charles le Téméraire, le Saint Empire romain
germanique en 1507
En 1558, à la mort de Charles Quint, petit-fils de Maximilien, les
possessions du défunt furent partagées entre ses héritiers : son frère,
Ferdinand I°, reçut le Saint Empire romain germanique ; son fils,
Philippe II, reçut l'Espagne, les colonies du Nouveau-Monde, et les
Pays-Bas (qui devinrent les Pays-Bas espagnols).
La scission de l'Empire de Charles Quint (1558).
Mais les Néerlandais, éloignés de Madrid, et favorables au protestantisme
(alors que l'Espagne était restée catholique),
ne tardèrent pas à se brouiller avec Philippe II. Ainsi, presque vingt ans
après la mort de Charles Quint, en 1579, les insurgés proclamèrent
l'indépendance de leurs Etats, donnant naissance aux Provinces-Unies
(à noter que la Belgique, le Luxembourg et le Nord-Pas-de-Calais restaient
sous domination espagnole).
Cependant, cette insurrection ne fut pas au goût du roi d'Espagne, ce qui
déclencha la guerre de Quatre-Vingt Ans, conflit qui au fil du temps
s'amalgama avec la guerre de Trente Ans[6], opposant la France et ses alliés au
Saint Empire romain germanique. En 1648, l'indépendance des Provinces-Unies
fut finalement reconnue par l'Espagne.
Bataille de la guerre de Trente Ans, musée de l'Infanterie, Montpellier (à
gauche) ; l'Autriche en 1648 (à droite).
C'est au XVII° siècle que les Provinces-Unies connurent le Gouden Eeuw
(« âge
d'or » en français), période de prospérité économique et intellectuelle
(c'est à cette époque que les Néerlandais établirent comptoirs et colonies
en Inde, en Indonésie et dans le Nouveau-Monde).
A noter qu'en 1713, à l'issue de la
guerre de succession d'Espagne[7], les Pays-Bas espagnols furent cédés au Saint
Empire romain germanique (ils furent alors rebaptisés Pays-Bas autrichiens[8]).
L'Autriche à son apogée (1720).
Cependant, la prospérité des
Provinces-Unies provoqua le mécontentement de l'Angleterre, qui souhaitait
obtenir une suprématie maritime en Europe. C'est ainsi que plusieurs
conflits éclatèrent entre les deux pays, de 1650 à 1780, s'achevant souvent
à l'avantage des Anglais (c'est à cette époque que les colonies
néerlandaises du Nouveau-Monde furent cédées à l'Angleterre : New Amsterdam, fondée en 1625, fut rebaptisée New York en 1664)
En 1780, une
nouvelle guerre conflit éclata à l'instigation de l'Angleterre, qui
reprochait aux Néerlandais d'avoir soutenu les colons insurgés pendant la
guerre d'indépendance américaine[9].
Cependant, ce conflit s'acheva sur une défaite néerlandaise en 1784, et le
stathouder[10]Guillaume
V d’Orange-Nassau
fut jugé responsable de cet échec. Ce dernier fut alors contraint à l'exil en 1786, sous
la pression des patriotes néerlandais. Recevant toutefois le soutien de la
Prusse, qui organisa une expédition en 1787, Guillaume V fut finalement
restauré. L'importante répression contre les insurgés poussa 400 000
patriotes à trouver refuge en France.
Pendant la Révolution française, la jeune république ayant déclaré la
guerre à l'Autriche et à l'Angleterre, l'armée française marcha vers la
Belgique. Suite à la prise de Bruxelles en juin 1794, tout le pays fut
conquis à l'été 1794. Peu de temps après, les Français marchèrent vers les
Pays-Bas, où ils furent accueillis en libérateurs par les patriotes
néerlandais. C'est ainsi que fut instaurée la République batave, en
janvier 1795, devenant une république-sœur de la France[11].
Cependant, suite au sacre impérial de
Napoléon Bonaparte, en décembre 1804 (ce dernier s'était emparé du
pouvoir en 1798, lors du coup d'Etat du 18 brumaire), les
républiques-sœurs furent peu à peu transformées en royaumes. C'est ainsi que
la République batave devint le royaume de Hollande en 1806
(toutefois, ce dernier fut annexé par la France dès 1810).
L'Empire français en 1810.
Suite à la défaite de Napoléon, le
congrès de Vienne, en 1815, donna naissance au Royaume-Uni des Pays-Bas
(c'est à dire les Pays-Bas plus la Belgique), qui fut confié à Guillaume
VI, fils de Guillaume V. Ce dernier, recevant en outre le Luxembourg à
titre personnel, prit lors le nom de Guillaume I°, roi des Pays-Bas.
Guillaume I°
d’Orange Nassau, roi des Pays Bas.
Toutefois, la Belgique se révolta dès
1830, parvenant à obtenir son indépendance l'année suivante, grâce à l'aide
de la France. A noter que Guillaume I° ne reconnut la Belgique qu'en 1839 ;
quant au Luxembourg, il ne mit fin à l'union qu'en 1890 (Guillaume III,
petit-fils de Guillaume I°, n'avait qu'une fille ; cependant, les règles de
la primogéniture mâle interdisaient le Luxembourg d'être gouverné par une
femme).
Un épisode de la révolution belge.
Conservant leur neutralité pendant la
Grande guerre, les Pays-Bas furent envahis par l'armée allemande au
cours de la seconde guerre mondiale[12].
Suite à la chute du régime nazi, les Néerlandais s'engagèrent dans un
processus de décolonisation, reconnaissant l'indépendance de l'Indonésie en
1948.
Aujourd'hui, les Pays-Bas sont une
monarchie constitutionnelle, dirigés par le roi Willem-Alexander
depuis avril 2013 (ce dernier fut couronné suite à l'abdication de sa mère
Beatrix).
Comme nous avons pu le constater, les
Pays-Bas changèrent souvent de nom -et de maîtres- en l'espace de mille ans,
devenant tour à tour Pays-Bas bourguignons, Pays-Bas espagnols,
Provinces-Unies, République batave, royaume de Hollande, Royaume-Uni des
Pays-Bas, etc.
La Hollande, province des Pays-Bas, ne
donna son nom au pays qu'à une seule occasion, de 1806 à 1810. A noter par
ailleurs que la Hollande historique n'existe plus aujourd'hui, ayant été
divisée en deux entités en 1840 (à savoir la Hollande-Septentrionale,
au nord, et la Hollande-Méridionale, au sud[13]).
D'un point de vue franco-français, l'on
pourrait croire que cette appellation erronée proviendrait de l'époque du
royaume de Hollande, instauré par Napoléon ; cependant, il convient de
préciser que cette erreur de langage est commise par les Néerlandais
eux-mêmes, étant aussi reprise dans de nombreuses langues européennes et non
européennes.
En réalité, si les habitants des
Pays-Bas furent désignés (et se désignèrent) sous le nom de Hollandais
depuis l'époque moderne, c'est parce que la Hollande eut toujours une
prééminence sur les autres provinces des Pays-Bas. Ainsi, les trois plus
grandes villes du pays se trouvent en Hollande (à savoir La Haye et
Amsterdam, anciennes capitales du royaume, ainsi que Rotterdam), cette
province étant le cœur économique et politique du pays depuis plusieurs
siècles. C'est aussi dans les deux provinces de Hollande que se concentre la
majorité du flux touristique
[1]
Les Francs, peuple originaire de Germanie installé sur les rives de
l'Escaut, profitèrent de la déliquescence de l'Empire romain pour avancer en Gaule.
Sous le règne de Clovis (481 à 511), les Francs s'étendirent
considérablement, bénéficiant du soutien du pape suite à la conversion de ce roi
au christianisme. Dans les décennies qui suivirent, le royaume des Francs
s'agrandit au-delà du Rhin, malgré les dissensions entre les héritiers de
Clovis. Pour en savoir plus,
cliquez ici.
[2]
Lors du traité de Verdun, signé en 831, les petits-fils de
Charlemagne divisèrent l'Empire de leur aïeul :
Lothaire, l'aîné, reçut la Lotharingie (une bande territoriale reliant les
Pays-Bas à l’Italie), plus le titre impérial ; Louis le
Germanique eut la Germanie,
s’étendant du Rhin à l’Elbe ; enfin, Charles reçut la Francie, territoire reliant la Somme aux Pyrénées.
Mais en l'espace de quelques décennies, la Lotharingie disparut,
et le titre impérial fut récupéré par les rois de Germanie (ce qui
donna naissance au Saint Empire romain germanique). Pour en savoir
plus sur cette période,
cliquez ici.
[3]
Les ducs de Bourgogne descendaient de Philippe le Hardi, fils
cadet du roi de France Jean II. A noter que ce dernier avait
cédé la Bourgogne à son fils en apanage (c'est
à dire que le territoire devait revenir à la couronne de France,
lors de la disparition du dernier mâle de la lignée).
[4] Chose
compliquée à comprendre aujourd'hui, les ducs de Bourgogne
possédaient d'importantes possessions mais n'étaient pas
indépendants de jure (ou
« de droit » en français). Ainsi, ces derniers restaient
vassaux du roi de France (pour le duché de Bourgogne) et de
l'Empereur germanique (pour les Pays-Bas et la Belgique).
[5]
Pour en savoir plus sur les conflits ayant opposé Louis XI et Charles le
Téméraire, cliquez ici.
[6]Pour en savoir plus sur la guerre de Trente Ans, cliquez ici.
[7]
En
novembre 1700, Charles II, roi d'Espagne, mourut sans héritiers.
Toutefois, ce dernier avait choisi comme héritier Philippe, petit-fils de
Louis XIV. Dans un premier temps, les nations européennes n'émirent pas
d'objection ; toutefois, le roi soleil agissant comme si l'Espagne n'était plus
qu'un Etat satellite de la France, le conflit éclata. Les Français, éprouvant de
grandes difficultés pendant le conflit, parvinrent à remporter plusieurs
victoires in extremis à la fin de la guerre. Ainsi, si la France fut épargnée lors des traités
de paix, l'Espagne fut grignotée par les puissances ennemies (les Pays-Bas
furent cédés à l'Autriche ; Gibraltar et Minorque furent cédés à l'Angleterre).
Pour en savoir plus à ce sujet,
cliquez ici.
[8]
A noter que l'Empereur germanique était aussi duc d'Autriche.
[9]
La guerre d'indépendance éclata en 1776, suite à dix années de
relations tendues entre les deux pays, lorsque les patriotes
américains proclamèrent l'indépendance des treize colonies
d'Amérique. Le conflit, auquel prit part la France, s'acheva sur une
défaite anglaise en 1783.
[10]
Le stathoudérat était une fonction politique et militaire née aux Pays-Bas
au cours du Moyen âge. Le stathouder (ce qui signifie
« lieutenant »)
avait comme objectifs de protéger une province lors de l’absence du
souverain. Après avoir obtenu leur indépendance vis-à-vis de l’Espagne au
cours du XVI° siècle, chaque Etat des Provinces-Unies décida de nommer un
stathouder, chargé de diriger l’armée. Depuis le XVI° siècle (malgré
quelques interruptions.), le stathoudérat était devenu héréditaire en
Hollande, détenu par la famille Orange-Nassau.
[11]
La Révolution française
fut bien accueillie dans certaines régions limitrophes de la France.
C'est ainsi, qu'à la fin du XVIII° siècle, apparurent une trentaine
de républiques-sœurs (Suisse, Italie, Rhin, Pays-Bas, etc.).