En 1940, l'armée allemande était supérieure à l'armée française
Faux ! Car la théorie de la supériorité
allemande en 1940, qui subsiste encore aujourd'hui, n'est qu'un mensonge
chargé de véhiculer la légende d'une Wehrmacht invincible.
En réalité, le rapport de force était
bien différent entre les deux nations rivales.
La France, handicapée par sa démographie
(le pays ne s'était pas encore remis de la saignée de 1914-1948), ne
comptait que 41 millions d'habitants en 1940, contre 69 millions outre-Rhin.
Mais la France disposait néanmoins d'une armée comptant 2.4 millions
d'hommes (plus 600 000 troupes coloniales), contre 2.6 millions côté
allemand.
D'un point de vue technologique, les deux belligérants disposaient d'un
matériel équivalent. Ainsi, les Français étaient équipés du fusil Lebel,
adopté en 1886, bénéficiant d’une portée de tir de quatre kilomètres ; les
Allemands disposaient du fusil Mauser Karabiner 98k, adopté en 1898.
Le troisième Reich disposait toutefois d'un certain avantage au sujet des
mitrailleuses, la Maschinengewehr 34 disposant d’une cadence de tir
de 800 coups par minute, pour un poids d’environ 10 kilos (côté français, la
Hotchkiss modèle 1914 disposait de 500 coups à la minute, pour un
poids de 52 kilos, ce qui la rendait difficilement transportable).
Enfin, en ce qui concerne les tanks, force est de constater que
France et Allemagne disposaient d'un parc de véhicules équivalent.
Toutefois, alors que l'on ne comptait que peu de modèles du côté du
Reich, la France était équipée d'une multitude de véhicules, du plus
ancien au plus moderne.
Ainsi, si les Renault F-17, datant de la première guerre
mondiale, étaient complètement dépassés en 1940, l'armée française
pouvait s'appuyer sur le Hotchkiss H-35 (produit à 1 000
exemplaires, il disposait d'un blindage de 35 mm et d'un canon de
37) et le Renault R-35 (800 exemplaires, blindage de 40 mm et
canon de 37), ainsi que sur le
B1 (500 exemplaires, blindage de 60 mm et canon de 75), et
le Somua S-35[1]
(430 exemplaires, blindage de 55 mm et canon de 47), considérés à
l'époque comme les meilleurs chars français.
Côté allemand, la construction de blindés n'ayant démarré qu'à
compter de 1933[2],
l'on ne comptait que quatre modèles de tanks : le Panzer I
(500 exemplaires, blindage de 13 mm et mitrailleuse et MG34), le
Panzer II (1 000 exemplaires, blindage de 13 mm et canon de 20),
le Panzer III (350 exemplaires, blindage de 50 mm et canon de
50), et le Panzer IV (300 exemplaires, blindage
de 80 mm et canon de 75).
A noter cependant que Français et Allemands n'avaient pas la même
conception d'utilisation des chars. Ainsi, alors qu'en France les
blindés étaient avant tout destinés à soutenir l'infanterie, en
Allemagne les chars étaient organisés en divisions autonomes. Par
ailleurs, si les Panzers étaient équipés d’une radio, les chars
français communiquaient via des fanions, agités depuis la cabine de
pilotage, ce qui ne facilitait pas la transmission des ordres.
Au final, alors que le gros de l'armée allemande était composé de
chars désuets, l'armée française souffrait de carences stratégiques,
malgré la possession de blindés plus modernes.
En réalité, ce n'est pas la supériorité numérique ou technologique de
l'Allemagne qui coûta la victoire à la France, mais bien la stratégie
employée par la France lors du second conflit mondial.
Le généralissime[3]Maurice Gamelin[4]
avait en effet décidé de prendre le contre-pied de la tactique française
employée en 1914. Ainsi, alors que le mot d'ordre, pendant le premier
conflit mondial, avait été l’attaque à outrance, Gamelin préféra au
contraire jouer la carte de la défense à outrance, se réfugiant derrière la
ligne Maginot[5]
(parallèlement, la flotte britannique devait opérer un blocus
maritime de l'Allemagne, comme en 1914, afin d'asphyxier économiquement le
pays).
Cependant, si Gamelin basait toute sa stratégie sur l’invulnérabilité de la
ligne Maginot, précisons que cette dernière n’était pas une muraille
continue, certains pans étant moins protégés que d'autres.
Hitler, sachant que le gros de la Wehrmacht disposait d'un matériel désuet,
décida de lancer le fer de lance de son armée en direction du massif des
Ardennes, un secteur boisé mal défendu par l'armée française, car considéré
comme infranchissable.
Toutefois, si le secteur des Ardennes constituait un véritable point faible,
il faut savoir que l’Etat-major français s’était entêté à le laisser dans
cet état. En effet, Gamelin avait reçu à plusieurs reprises des informations
en provenance de Belgique, indiquant que l’offensive allemande viserait les
Ardennes ; cependant, le généralissime avait décidé de ne pas en tenir
compte.
Suite à la défaite de 1940, le maréchal Pétain, nommé président du conseil,
puis chef de l'Etat français, présenta la défaite comme inéluctable,
affirmant que la Wehrmacht était
supérieure en nombre et en armes, afin d'atténuer la responsabilité de
l'armée française dans l'échec de la bataille de France.
[1]
Somua étant l’abréviation de
« Société d'Outillage Mécanique et d'Usinage d'Artillerie de
Saint-Ouen. »
[2]
Selon les clauses du traité de Versailles, l'Allemagne n'avait pas
le droit de posséder des chars.
[3]
Le généralissime était le chef suprême des armées (il s’agissait
d’un grade militaire.).
[4] Gamelin, né
en septembre 1872, fut envoyé en Afrique du nord suite à sa sortie
de Saint Cyr. Travaillant à l’Etat-major du général Joffre pendant
la première guerre mondiale, Gamelin fut nommé colonel en avril
1916, puis général en décembre de la même année. Soutenu par
Daladier, Gamelin fut nommé chef d’Etat-major en 1931.
[5]
La ligne Maginot (du nom d'André Maginot,
ministre de la Guerre) avait été construite en deux temps, à compter de 1930.
De prime abord, des fortifications furent érigées sur la frontière
franco-italienne, le gouvernement français se méfiant du fascisme italien. Puis,
à compter de 1933 et de la montée du nazisme en Allemagne, une nouvelle série
d’ouvrages fut construite dans le nord-est de la France.