Faux ! Nous avons tous en tête la scène
suivante, vue à maintes reprises à la télévision ou au cinéma. Les
gladiateurs, entrés dans le Colisée, se dirigent vers la loge impériale et
saluent l'Empereur : ave Caesar, morituri te salutant ! (salut, César,
ceux qui vont mourir te saluent !)
Cependant, cette image d'Epinal constitue
une contre-vérité historique, comme nous allons le démontrer
.
Casque et protège-bras d'un mirmillon, II° siècle après Jésus
Christ, Neues museum, Berlin (le mirmillon était un des principaux types de
gladiateurs. Ce dernier était un combattant lourd, équipé d'un glaive, d'un
casque, et d'un grand bouclier).
De prime abord,
le terme ave, en latin, n'était pas un "bonjour" quelconque (qui se
disait salue.). En effet, il s'agissait d'une salutation
réglementaire, utilisé uniquement au sein de l'armée. Les gladiateurs ne
pouvaient donc pas faire usage de cet ave militaire, n'étant pas des
soldats (à noter que les combattants, frappés d'infamia,
ne pouvaient pas s'engager dans l'armée, même retraités.).
Par ailleurs, le terme morituri est mal employé. Comment les
combattants pouvaient ils être aussi sûrs qu'ils allaient tous mourir dans
l'arène ? Lorsque les gladiateurs combattaient en duel singulier, la moitié
d'entre eux étaient vaincus, mais tous les perdants n'étaient pas mis à
mort, loin de là.
En effet, les gladiateurs étaient les sportifs les plus acclamés de
l'Antiquité. Les plus célèbres d'entre eux, très rentables pour les
lanistes,
constituaient donc de véritables investissements que l'on ne pouvait
sacrifier à la légère.
Statuette représentant un hoplomaque, II° siècle après Jésus Christ, Neues museum, Berlin
(le hoplomaque était un gladiateur léger, équipé d'un poignard, d'un casque,
et d'un petit bouclier rond).
Contrairement à une autre idée reçue, les gladiateurs n'étaient pas traités
comme de vulgaires esclaves, condamnés à mourir égorgés dans le Colisée,
sous les yeux d'une foule avide de sang.
Au contraire, l'on trouvait dans les écoles de gladiateurs des
professionnels du maniement de l'épée, des hommes libres,
des aristocrates, des femmes (les combats de femmes, plus rares, était plus
recherchés.), ainsi que des esclaves (à noter cependant que l'Empereur
Hadrien interdit la vente d'esclave aux lanistes au début du II° siècle
après Jésus Christ.).
Les Romains étaient nombreux à rejoindre les ludi,
car la carrière de combattant était très lucrative. En effet, les
gladiateurs étaient de véritables stars, à l'image de nos sportifs
d'aujourd'hui, acclamés par la foule lors des combats. Cette renommée
n'était pas pour déplaire aux femmes, certaines d'entre elles n'hésitant pas
à prendre pour époux un gladiateur (par ailleurs, les lanistes n'hésitaient
pas à faire appel à des prostituées afin de satisfaire les envies de ses
élèves.).
En outre, à l'issue des combats, les gladiateurs recevaient les meilleurs
soins possible, les lanistes veillant à ce que leurs investissements
guérissent le plus vite possible.
Au final, si de nombreux gladiateurs étaient tués dans l'arène, certains
d'entre eux parvenaient à quitter le ludus avec une belle somme en
poche, à l'issue de leur contrat. Ces derniers, recevant alors le rudius,
un sabre de bois symbolisant leur libération, étaient libres de s'installer
comme notables grâce à leur argent.
A noter qu'une seule révolte de gladiateurs survint au cours de l'Antiquité,
celle de Spartacus en 64 avant Jésus Christ. Ce qui impliquerait que
les combattants jouissaient de conditions de vie bien supérieures à ce que
l'on pourrait penser aujourd'hui.
Fresque représentant un combat de gladiateurs, III° siècle après Jésus
Christ, Neues museum, Berlin.
Mais dans ce cas, d'ou provient l'expression
ave Caesar, morituri te salutant ?
En réalité, cette phrase fut prononcée vers 52 après Jésus Christ par des
soldats condamnés pour faute grave, devant combattre à mort lors d'une
naumachie
organisée par l'Empereur Claude (l'objectif était de célébrer
l'érection du canal permettant l'assèchement du lac Fulcin.).
Le souverain ayant entendu la formule des soldats, marmonna une réponse,
vraisemblablement aut non, ce qui signifie "peut être pas". Les
combattants ayant entendu ces mots, refusèrent alors de combattre,
considérant que l'Empereur les avait graciés.
Claude, courroucé par le comportement des soldats, menaça de les faire
exécuter sur le champ s'ils ne commençaient pas le combat.
Au final, la formule ave Caesar,
morituri te salutant est authentique, mais elle fut utilisée dans un
contexte précis, contrairement à ce que l'on pourrait penser aujourd'hui.