Faux ! En effet, outre une
vision
erronée de la vie des gladiateurs, nombreux sommes nous à nous
représenter la scène suivante : le combat entre les deux gladiateurs s'est
achevé, et l'un des deux combattants est à terre, remettant son sort entre
les mains des spectateurs. Ceux souhaitant faire grâce au vaincu lèvent le
pouce ; les autres, réclamant la mort, abaissent le pouce.
Pollice verso, par Jean Léon GEROME, XIX° siècle.
En réalité, cette vision que nous avons
des combats de gladiateurs constitue un véritable contre-sens historique.
De prime abord, nous pouvons constater
qu'aucun vestige archéologique représentant des gladiateurs ne montre un
public levant ou baissant le pouce. Certes, des destructions ont bien été
commises en l'espace de 2000 ans, mais le fait est assez curieux pour être
mentionné.
Fresque représentant un combat de gladiateurs, III° siècle après Jésus
Christ, Neues museum, Berlin.
Par ailleurs,
peu de textes mentionnent cette gestuelle dans les textes antiques. Ainsi,
deux extraits seulement y sont consacrés.
Le premier, par Juvénal,
est mentionné dans sa troisième Satyre : naguère
sonneurs de cor et habitués de l'arène des villes de province, joues bien
connues des bourgades, ils financent maintenant des jeux, et
quand le peuple l'ordonne en tournant le
pouce, ils tuent pour se faire bien voir.
Le second texte fut rédigé par Prudence,
poète chrétien du IV° siècle après Jésus Christ, dans son ouvrage Contre
Symmaque : et la poitrine de celui qui est à terre, l'honnête
vierge, en retournant le pouce, ordonne de la briser.
Cependant, ces deux témoignages se réduisent rapidement à un seul, car
Prudence, en sa qualité de chrétien, n'a pas pu assister à un combat de
gladiateur,
spectacle interdit à ses coreligionnaires (ce dernier s'étant visiblement
inspiré du texte de Juvénal.).
Par ailleurs, si Juvénal atteste que les Romain "[tournaient] le pouce"
(verso pollice.), rien n'indique qu'ils le levaient pour demander la
grâce du vaincu (sans doute s'agit t'il d'une symétrie imaginée par notre
esprit contemporain.).
Ainsi, Pline l'Ancien
indique que les spectateurs souhaitant manifester leurs bonnes intentions
repliaient leur pouce sur les autres doigts, ou bien le rentraient à
l'intérieur de la main. Le pollex,
ainsi replié, était rengainé comme une épée dans son fourreau.
Statuette représentant un hoplomaque, II° siècle après Jésus Christ, Neues museum, Berlin
(le hoplomaque était un gladiateur léger, équipé d'un poignard, d'un casque,
et d'un petit bouclier rond).
Quant au pouce tendu vers le bas, les choses sont moins simples qu'il n'y
parait.
Ainsi, le verso pollice employé par Juvénal, s'il fut interprété
comme "tourné vers le bas", se traduit néanmoins par "tendu vers". Les
spectateurs des jeux ne tournaient donc pas leur pouce vers le bas afin de
réclamer la mise à mort, mais le pointaient probablement vers les
combattants, leur indiquant la marche à suivre (l'infestus pollex,
"pouce hostile", était dirigé vers celui que l'on voulait voir mourir.).