Le bitume, utilisé depuis le
XIX° siècle, est aujourd'hui employé à de nombreux usages : routes,
trottoirs, pistes cyclables, isolation thermique, isolation phonique,
imperméabilité, etc.
Cependant, le bitume n'est pas une invention
contemporaine, étant utilisé depuis bien plus longtemps que l'on ne pourrait
l'imaginer...
La place Pigalle, par Lucien LIEVRE, 1932, musée Carnavalet.
L
e bitume que
nous utilisons aujourd'hui est un produit industriel, provenant de la
distillation des pétroles bruts[1],
mais il fut utilisé dès le Paléolithique sous sa forme naturelle[2].
Au cours de l'Antiquité, le bitume fut utilisé à
grande échelle dans la région du Proche-Orient, étant un matière adhésive,
imperméable et malléable. La mer Morte fournissant d'importantes quantités
d'asphalte[3],
les peuples de l'Antiquité l'employèrent pour des usages divers :
l'étanchéité des bateaux[4]
et des canalisations, cosmétiques, conservation des momies, mortier pour les
constructions, combustible, produits médicinaux, etc.
Cette utilisation du bitume par les civilisations
du Proche-Orient est mentionnée dans la Bible : ils se dirent l'un à
l'autre : allons ! Faisons des briques, et cuisons-les au feu. Et la brique
leur servit de pierre, et le bitume leur servit de ciment (Genèse, XI,
3).
Par ailleurs, les auteurs antiques font mention de
gisements de bitume bien plus importants, plus loin à l'est, sur les rives
du Tigre et de l'Euphrate (c'est à dire une région correspondant à l'Irak
actuel). C'est ainsi que Babylone fut la première cité à avoir des rues
couvertes d'asphalte, au VII° siècle avant Jésus Christ.
A noter enfin que l'on retrouve les traces d'un
usage ancien du bitume dans d'autres parties du monde, comme en Inde, au
Japon ou en Californie (ce matériau étant utilisé par les tribus
amérindiennes comme décoration ou pour imperméabiliser les canoës).
Au fil des siècles, l'usage du bitume se perdit
peu à peu. En 1721, le Français Eirini d'Eyrinys publia un ouvrage
intitulé Dissertation sur l'asphalte, ou ciment naturel, ce dernier
ayant découvert un gisement de bitume près de Neufchâtel. L'auteur, vantant
l'imperméabilité de cette substance, n'eut toutefois pas l'écho attendu.
Pendant près d'un siècle, les artistes utilisèrent
le bitume pour leurs peintures[5],
et il fallut attendre 1830 pour que l'usage de l'asphalte se généralise. En
l'espace d'un demi-siècle, toutes les grandes villes se recouvrirent de
bitume, permettant une circulation plus aisée ainsi qu'une meilleure hygiène.
[1]
Dès le début du XX° siècle, les gisements naturels ne
suffisaient plus à couvrir la demande mondiale de bitume. C'est à cette époque
que commença la production de bitume par distillation de pétroles bruts.
Quelques décennies plus tard, en 1973, le premier choc pétrolier entraîna
une augmentation des prix. C'est ainsi que de nouvelles techniques firent leur
apparition, donnant naissance à des bitumes moins coûteux en pétrole
(aujourd'hui, les enrobés bitumeux utilisés pour la construction de routes
contiennent 95% de granulats et 5% de bitume).
[2] Le Paléolithique est
une période de la Préhistoire, commençant il y 3 millions d'années,
lors de l'apparition du genre Homo (à
savoir Homo Rudolfensis
et Homo Habilis selon nos connaissances actuelles), et
prenant fin en 12 000 avant Jésus Christ. Aujourd'hui l'on estime
que le bitume aurait été utilisé par l'Homme à compter de 40 000
avant notre ère.
[3]
L'asphalte (du grec aspales)
est un mélange de bitume et de granulats. A noter qu'au cours
de l'Antiquité, la mer Morte était nommée lac Asphaltite par
les Grecs.
[4] Le bitume
étant cher, il était gratté de la coque des vieux navires.
[5]
Il s'est avéré avec le temps que l'usage du bitume contribuait à
endommager les toiles, en faisant craquer la peinture et en obscurcissant les
couleurs. Certaines œuvres des peintres Eugène Delacroix et
Théodore Géricault sont aujourd'hui irrémédiablement endommagées.