Toutefois, le blitzkrieg est-il une stratégie aussi simpliste ? Fut-il
vraiment inventé par Hitler ? Et dans le cas contraire, quelles sont ses
origines ?
En tout état de cause, force est de
constater que le terme
« blitzkrieg »
est apparu dans des conditions particulièrement floues. Il semble qu'il fut
mentionné pour la première fois en 1935, dans la revue
Deutsche Wehr
(ou
« armée allemande »). Toutefois, l'auteur de cet article
indiquait simplement que les pays les plus pauvres devaient faire appel au
blitzkrieg, afin de mettre fin au conflit le plus rapidement possible.
En réalité, le concept de blitzkrieg
fut peu usité jusqu'en 1939, date à laquelle éclata la
Seconde Guerre mondiale.
Ainsi, à l'occasion de la
campagne de Pologne,
en septembre 1939, le magazine américain
Time
publia un article démontrant que l'offensive allemande était une
guerre éclair et non pas une guerre d'occupation.
L'Allemagne, en l'espace de vingt
ans, avait réussi à reconstituer une armée désormais menaçante, en
dépit des restrictions imposées par les clauses du traité de
Versailles, signé en juin 1919. En effet, le texte prévoyait une
série de mesures draconiennes, parmi lesquelles : réduction de
l'armée allemande à 100 000 hommes ; interdiction d’utiliser les gaz
de combats, l’artillerie, les tanks et l’aviation militaire ;
abolition du service militaire ; démilitarisation de la Rhénanie ;
etc.
Toutefois, si
pendant quinze ans ces clauses avaient été plutôt respectées par
le gouvernement allemand, Hitler décida de passer outre, dès son arrivée au
pouvoir. Les faibles protestations de principe émises par la France
et l'Angleterre lors de la remilitarisation de la Rhénanie, en mars
1936, encouragèrent le Führer à poursuivre sa politique de réarmement.
C'est ainsi qu'apparurent les chars Panzer (ce qui signifie
« blindé »), à compter de 1934 ; la Luftwaffe (l'armée de
l'air) et la Kriegsmarine (la marine), en juin 1935 ; enfin,
la
Wehrmacht
dépassa le cap des 100 000 hommes à compter de 1936.
A l'annonce de l'offensive allemande
contre la Pologne, France et Angleterre décidèrent de déclarer la
guerre au Troisième Reich.
Hitler, surpris par cette détermination soudaine, alors que les
démocraties occidentales étaient restées inertes lors de l'anschluss
(mars 1938) et de l'annexion de la république tchèque (mars 1939),
souhaitait en découdre avec l'ennemi dès la fin de la campagne de
Pologne. Toutefois, l’Etat-major allemand, qui craignait une guerre
longue, parvint à convaincre le Führer de reporter l’offensive à mai
1940,
élaborant une stratégie similaire à celle du plan
Schlieffen.
Cependant, si Hitler
accepta de reporter l'offensive à l'année suivante, il
préféra suivre la stratégie du Fall Gelb (ou
« plan jaune »),
mis au point par le général Erich von Manstein :
l’objectif était de percer la ligne de front ennemie sur son point le plus
fragile (c'est-à-dire le massif des Ardennes), puis de profiter de l’effet de surprise
pour attaquer en direction de la Manche.
Ainsi, alors que les Allemands se préparaient à l'offensive, les Français
n'attaquèrent pas, réfugiés derrière la ligne Maginot
.
Cette période de la Seconde Guerre mondiale fut baptisée Sitzkrieg
par les Allemands (ce qui signifie « guerre assise
»), et Phoney war
par les Britanniques (« fausse guerre »). En français, le terme employé fut
Drôle de guerre (sans doute en raison d’une paronymie des termes
phoney, « faux », et funny « drôle »).
En mai 1940, les Allemands passèrent finalement à l'action. Toutefois, si la
stratégie du général Manstein ressemblait au blitzkrieg (utilisation des
blindés pour percer un point fragile de la ligne de défense ennemie), il
convient de préciser que ce terme ne fut jamais
employé dans les manuels militaires allemands, que ce soit pour la
Heer
(l'armée de terre) ou la Luftwaffe. Hitler, quant à lui, affirma
lors d'un discours prononcé en novembre 1941, qu'il n'avait jamais utilisé
le terme
« blitzkrieg »,
considérant qu'il s'agissait d'un mot idiot.
Ainsi, l'Etat-major allemand préférait
employer les termes de Schwerpunkt (« concentration »)
et de Schwerpunktprinzip (« principe
de concentration »).
Cette stratégie ingénieuse, s'appuyant sur des divisions de chars autonomes
(alors que côté français, les blindés ne devaient servir qu'à accompagner
l'infanterie, comme pendant la Grande Guerre), permit à l'armée allemande de
réaliser une percée à Sedan, dans le massif des Ardennes, le 13 mai 1940.
Ainsi, alors que l'armée française
était dotée d'un matériel militaire aussi performant que celui de l'ennemi,
les unités encerclées par la Wehrmacht déposèrent rapidement les armes.
C'est ainsi qu'un armistice fut signé par le gouvernement français dès le 22
juin 1940.
Toutefois, si la Schwerpunkt fut
particulièrement efficace lors de la bataille de France, ou lors de l'opération
Barbarossa, en juin 1941,
cette stratégie comporte néanmoins certains points faibles.
De prime abord, la nature du terrain
constitue un important facteur de réussite. En France, l'armée allemande
avança sur un terrain plat, possédant peu de barrières naturelles, et
émaillé d'un grand réseau de routes et de voies de chemin de fer. En URSS,
au contraire, la progression de la Wehrmacht fut plus laborieuse, en raison
d'un environnement plus « sauvage
», mais aussi à cause du froid, de la boue et de la neige.
Par ailleurs, comme nous l'avons vu plus tôt, l'objectif de la
Schwerpunkt est d'effectuer une
percée sur une zone de la ligne de front, suivie d'un encerclement des
troupes ennemies. Pendant la bataille de France, l'armée française était
très vulnérable à cette stratégie, étant fixée sur la ligne Maginot.
Toutefois, en URSS, l'Etat-major soviétique parvint à contrer la
Schwerpunkt en organisant une
défense en profondeur. Ainsi, plutôt que de se laisser encercler et de
mourir sur place (comme cela avait été le cas pendant l'été 1941), les
troupes soviétiques pouvaient désormais reculer en bon ordre afin de
continuer la lutte, ayant au préalable installé des milliers de mines
antichars à destination de l'ennemi. C'est ainsi que les Allemands furent
bloqués lors de la bataille de Koursk, en juillet 1943.
Enfin, l'une des conséquences de la
Schwerpunkt étant l'extension des lignes de ravitaillement, cette stratégie
fut fonctionnelle en France, pays aux dimensions
« modestes »,
mais pas en URSS, où les Soviétiques mirent en place la stratégie de la
terre brûlée.
Toutefois, le blitzkrieg constitue encore aujourd'hui une pomme de
discorde entre les historiens. Ainsi, certains considèrent que cette
stratégie obéissait moins à un plan infaillible de l'Etat-major
allemand qu'aux évènements survenus sur le terrain. D'autres, au
contraire, pensent que l'objectif de la
Schwerpunkt était d'obtenir une
victoire rapide, afin de permettre aux soldats de retourner
rapidement à l'usine, à une époque où l'Allemagne était dépendante
de sa production industrielle
.