Faux !
Car une fois encore, la réalité est bien plus complexe.
Le sac de Rome de
1527 s'inscrit dans le contexte des guerres d'Italie, qui à cette
époque n'avait plus d'italiennes que le nom. En effet, à compter de
1520, les "guerres d'Italie" se livrèrent avant tout en France et à
la frontière allemande, l'objectif de François I° n'était
plus de s'emparer de territoires italiens mais bien de défendre son
royaume.
En 1526, la
sixième guerre d'Italie s'était achevé sur un désastre pour les
Français. François I°, fait prisonnier l'année précédente suit à la
bataille de Pavie, ayant été
contraint de signer le désavantageux traité de Madrid :
cession de la Bourgogne à Charles Quint, l'Empereur
germanique ; abandon de ses prétentions sur Naples
et Milan ; livraison de ses deux fils comme otages[1]
.
François I°, roi de France, par Jean CLOUET, vers 1530, musée du
Louvre, Paris (à gauche) ; Charles Quint, par Peter
Paul RUBENS, vers 1603, Deutsches historisches museum, Berlin (à droite).
François I°,
dénonçant le traité de Madrid suite à son retour à Paris, au
printemps 1526, s'allia avec les adversaires de Charles Quint, qui
craignaient que l'Empereur germanique ne devienne trop puissant.
C'est ainsi que fut créée la
ligue de Cognac, regroupant François I°, le roi d'Angleterre
Henri VIII, le pape Clément VII, Venise,
Florence, ainsi que quelques principautés italiennes.
En représailles, Charles Quint envoya une armée en Bourgogne (qui
fut finalement repoussée), et une en Italie. Cette dernière fut
confiée à Charles III, duc de Bourbon, qui, dépossédé de ses
Etats par le roi de France, avait décidé de se mettre au service de
l'Empereur germanique[2].
Ce dernier se
trouvait à la tête de 35 000 hommes, parmi lesquels l'on retrouvait
une majorité d'Allemands luthériens.
Arrivant sous les murs de Rome en mai 1527, Charles III donna l’assaut
aussitôt (à noter que les impériaux ne disposaient pas de machines de
siège, mais la ville n'était défendue que par 5 000 soldats).
C'est alors que
Charles III fut mortellement blessé par un tir d'arquebuse, laissant
l'armée sans chefs. Les impériaux, qui n'avaient pas été payés
depuis plusieurs semaines, parvinrent toutefois à s'emparer de la
cité, qu'ils livrèrent au pillage.
Le sac de Rome par les soldats de Charles Quint, par Cornelius
BOEL, 1614, Deutsches historisches museum, Berlin.
Les soldats
protestants, soucieux de se venger de la papauté, commirent
d'importantes déprédations, tuant, violant, saccageant les églises,
les tombes, les monastères et les riches maisons des cardinaux. En
outre, les pillards volèrent ou détruisirent de nombreuses œuvres
d'art (reliques, tableaux, mobilier, statues, etc.), endommageant
aussi les vestiges de la Rome antique.
Toutefois,
contrairement aux usages en vigueurs, le sac de la cité ne dura pas
trois jours, mais se poursuivit pendant près d'un an, jusqu'en
février 1528. Ainsi, alors que Rome comptait 55 000 habitants avant
la chute de la ville, il n'en restait que 10 000 suite au départ des
impériaux. Aujourd'hui, l'on estime que 10 000 Romains trouvèrent la
mort lors du sac de la cité, contre 30 000 qui choisirent la voie de
l'exil.
A noter par ailleurs
que les impériaux déplorèrent eux aussi d'importantes pertes, en
raison des désertions et des maladies (la peste s'était déclarée
dans Rome car de nombreux cadavres n'avaient pas été enterrés).
L'annonce du sac de
Rome, le premier depuis un demi-millénaire[3],
eut un important retentissement en Europe, d'autant que Charles
Quint, souverain catholique, s'était engagé à lutter contre les
protestants dans ses Etats.
Ainsi, comme nous
venons de le voir, Charles Quint ne commanda pas l'armée qui
saccagea Rome en 1527, ne donnant pas non plus d'instructions
concernant le pillage à Charles III, décédé sous les murs de la
ville.
Toutefois, si l'Empereur germanique désapprouva officiellement le
comportement de ses soldats, il bénéficia néanmoins de la soumission du
pape, qui céda à Charles Quint 400 000 ducats, ainsi que les cités
de Parme, Plaisance, Civitavecchia et Modène
.
Charles Quint passe ses ennemis en jugement (à gauche, un
sultan turc, un pape et François I° ; à droite, trois princes protestants
d'Allemagne), vers 1556, Deutsches historisches museum, Berlin.
[1]
Pour en savoir plus sur la sixième guerre d'Italie,
cliquez
ici.
[2]
En 1505,
Charles III avait épousé Suzanne, fille de Pierre II,
duc de Bourbon. Mais, à la mort de Suzanne, en 1521, sa cousine
germaine Louise de Savoie, mère de François I°, fit en
sorte de récupérer le duché de Bourbon afin de l'inclure dans le
domaine royal.
[3]
Le dernier sac datait de
1084, date à laquelle Rome avait été pillée par les Normands de
Robert Guiscard. Voir à ce sujet le 11, chapitre deuxième,
l'Empire germanique et l'Eglise.