Faux ! Selon l'historiographie traditionnelle, la France aurait connu pas
moins de six dynasties royales, en l'espace de seize siècles : les Mérovingiens, qui régnèrent du
milieu du V° siècle jusqu'en 751[1]
; les Carolingiens, de 751 à 987 ; les Capétiens, de 987 à
1328, les Valois, de 1328 à 1589[2]
; les Bourbons, de 1589 à 1830[3]
; et les Orléans, de 1830 à 1848.
Toutefois, il semblerait que la réalité soit un peu plus complexe...
Après la mort du roi Dagobert[4],
en 638, les rois mérovingiens tombèrent progressivement sous la coupe
des maires du palais.
A l’origine, cette fonction n'était guère prestigieuse, ayant pour
objectif d’administrer la
résidence royale. Cependant, en raison de l’affaiblissement du
pouvoir royal, les maires abandonnèrent peu à peu leurs fonctions domestiques,
obtenant un pouvoir de ministre au fil des années.
Par ailleurs, non seulement la noblesse se faisait remuante, mais en
outre les monarques mouraient souvent fort jeunes (à l'époque
carolingienne, ils furent affublés du sobriquet peu glorieux de
« rois fainéants
»). Les derniers Mérovingiens,
ne dépassant pas l'âge de vingt ans, n'étaient donc pas en mesure de
régner efficacement sur leur royaume.
Image d'Epinal représentant un
« roi fainéant
»
en voyage, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.
En 680, un aristocrate d'Austrasie[5],
Pépin de Herstal (l'ancêtre des Carolingiens), décida de se
révolter contre l'autorité royale. Dans un premier temps, la guerre fut
à l'avantage du Mérovingien Thierry III. Cependant, suite à la
bataille de Testry, que Pépin de Herstal remporta en 687, le roi perdit le
peu de pouvoir qui lui restait encore. A noter qu'à cette date, la
tradition voulait que les souverains déchus soient tondus (la chevelure étant
le symbole de l'autorité royale) et enfermés dans un monastère.
Toutefois, Pépin préféra laisser Thierry III sur le trône, utilisant le
jeune homme comme une marionnette.
Cette situation
dura jusqu'en 751, date à laquelle Pépin le Bref, petit-fils
de Pépin de Herstal, déposa Childéric III, dernier souverain
mérovingien.
La déposition de Childéric III, par Paul Lehugeur, XIX°
siècle.
Comme nous pouvons
le voir, il est difficile de fixer dans le temps une date de
« début » de la dynastie des Carolingiens. Dans un
premier temps, cette dernière fut nommé dynastie des Pippinides,
étant fondée par Pépin de Landen (grand-père maternel de
Pépin de Herstal) au début du VII° siècle. Ce n'est qu'à partir du
règne de Charlemagne que les membres de cette dynastie
prirent le nom de Carolingiens (un dérivé de Carolus, ou
« Charles »).
Toutefois, cette dynastie se délabra au fil des siècles, pour les
mêmes raisons qui causèrent la chute des Mérovingiens (répartition
de l'héritage entre tous les héritiers, turbulence de la noblesse,
guerres incessantes, etc.). Suite à la mort de Charlemagne, le
royaume des Francs, colosse aux pieds d'argile, perdit rapidement son unité. En effet, ce dernier
fut partagé entre les petits-fils de Charlemagne lors du
traité de Verdun,
signé en 847 : Lothaire, l'aîné, reçut un territoire
qui fut plus tard baptisé la Lotharingie (c'est-à-dire une bande territoriale reliant les
Pays-Bas à la Provence, à laquelle vint s’ajouter l’Italie) ; Louis
reçut la Germanie,
s’étendant du Rhin à l’Elbe ; enfin, Charles le Chauve, le cadet, reçut la Francie, territoire reliant la Somme aux Pyrénées.
Partage de l'Europe suite au traité de
Verdun, en 843.
Le territoire français, le plus exposé au attaques venant de la mer,
et donc le plus difficile à défendre, subit de plein fouet les
invasions vikings,
qui dévastèrent le pays pendant le IX° siècle. par ailleurs, les
Carolingiens furent contraints de faire face à l'animosité des
Robertiens
(ancêtres des Capétiens), comtes de Paris.
Charles le Gros (il
s'agissait du cadet de Louis le Germanique) qui avait réussi, au fil
des années, à réunir sous le même giron la Germanie, la Lotharingie
et la Francie, fut déposé en 887. Ce dernier, souffrant d'obésité et
de folie, fut alors enfermé dans un monastère.
Au même moment, plusieurs souverains émergèrent de
ce nouveau morcellement de l’Empire carolingien[6] : en Francie,
l'autorité royale fut confiée à Eudes,
comte de Paris[7]
(ce dernier avait défendu la ville lors du siège mené par les
Vikings en 886). Toutefois, ce dernier n'ayant pas d'héritiers, la
couronne fut cédée en 898 à Charles le Simple, petit-fils de
Charles le Chauve.
Le comte Eudes défend Paris contre les
Normands, par SCHNETZ, XIX°,
château de Versailles, Versailles.
Robert, le frère d'Eudes, contesta cette décision et n'eut de
cesse de combattre le souverain carolingien. En 923, Charles le
Simple fut vaincu par une coalition regroupant le comte de Paris et
son gendre, Raoul, duc de Bourgogne.
Au mois de juillet 923, les grands du royaume décidèrent d'offrir la
couronne à Hugues le Grand (le fils de Robert), qui préféra
refuser. C'est ainsi que Raoul fut sacré roi de France à Soissons.
Bien que méconnu, ce souverain occupe une place unique dans l'histoire
de France. En effet, il fut le seul roi à n’appartenir à aucune des
trois grandes familles royales (Mérovingiens, Carolingiens,
Capétiens), étant membre de la dynastie des Bivinides (fondée par son grand-père Bivin de Vienne,
qui vécut au début du IX° siècle).
Souverain contesté, Raoul mourut sans héritiers en 936.
Hugues, comte de Paris, à qui fut proposé la
couronne une fois encore, préféra la céder à Louis IV d’Outremer,
fils de Charles le Simple (qui était décédé en 929).
Les derniers Carolingiens firent face, une fois encore, à la vive
hostilité les comtes de Paris, qui profitèrent de l'affaiblissement
du pouvoir royal pour agrandir leurs possessions. A la mort de
Louis V le Fainéant (il fut surnommé ainsi car son règne ne dura
qu'un an), le royaume du défunt ne dépassait pas les frontières d'un
triangle reliant Laon, Compiègne et Reims.
Louis V, mort
jeune, n'avait pas d'héritiers, et une nouvelle fois, les grands du
royaume procédèrent à une élection. La couronne fut alors cédée à
Hugues Capet, fils de Hugues le Grand, qui donna officiellement
naissance à la dynastie des Capétiens.
L'élection d'Hugues Capet,
gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par François GUIZOT,
France, 1875.
Les souverains de
cette dynastie, tentant, dans un premier temps, d'affermir leur
possessions face aux seigneurs dissidents, parvinrent peu à peu à
imposer leur autorité sur le reste du royaume de France : d'abord au
Nord (conquête de la Normandie et de l'Anjou sous Philippe II
Auguste), puis ensuite au Sud (conquête du Languedoc et de la
Guyenne sous Louis VIII).
En novembre 1314, le roi de France Philippe IV mourut suite à un
accident de chasse, laissant trois fils derrière lui : Louis X,
Philippe V et Charles IV, qui régnèrent à tour de rôle
jusqu'en 1328, mais qui ne parvinrent pas à concevoir d'héritier mâle (à
noter que conformément à la
loi salique, les femmes ne pouvaient pas prétendre au trône).
Ainsi, il fut décidé de céder la couronne au plus proche
héritier
mâle : Philippe
VI, fils de Charles de Valois, frère cadet de Philippe IV.
Ainsi, les Valois ne constituent pas une dynastie
« à part » de l'histoire de France, n'étant qu'une branche cadette de la
maison capétienne. Ainsi, la nomination de Philippe VI ne provoqua guère
de remous en France, ce dernier faisant partie de la même famille que
son aïeul Hugues Capet (contrairement à l'arrivée des premiers
Carolingiens et Capétiens, qui s'était déroulée dans des conditions plus
difficiles).
Le sacre de Philippe VI, enluminure issue
de l'ouvrage Grandes chroniques de France, France, XIV° siècle.
Il en va de même pour les Bourbons, arrivés au pouvoir suite à la mort
du roi
Henri III,
en août 1589.
Henri IV,
le nouveau souverain, prince de sang[8],
était un descendant de
Robert de Clermont,
sixième fils de
Louis IX.
A noter que pendant la
Révolution française,
Louis XVI
passa en jugement en décembre 1792 sous le nom de
« Louis Capet. »
Enfin, la dynastie
d'Orléans est issue de Philippe d'Orléans (fils de Louis
XIII), arrière-arrière-arrière-grand-père de Louis Philippe,
qui régna de 1830 à 1848.
En réalité, l'on ne
compte donc que trois dynasties (ou maisons royales) : les
Mérovingiens, les Carolingiens et les Capétiens (sans compter les
Bivinides, que nous avons présentés précédemment) ; auxquelles vient
parfois s'ajouter une quatrième famille, celle des Bonaparte.
Cette dernière, bien que plus litigieuse, régna malgré tout sur la
France, de 1804 à 1815 (Napoléon I°), puis de 1852 à 1870 (Napoléon
III).
Toutefois, comme
cela fut le cas à de nombreuses époques et dans de nombreux pays,
les souverains des nouvelles dynasties firent souvent leur possible
pour se rattacher aux anciennes, dans un souci de continuité et de
légitimité. Existe-il donc des liens de parenté entre Mérovingiens,
Carolingiens et Capétiens ?
Concernant les
Carolingiens (ou Pippinides), le fondateur de cette dynastie est
Pépin de Landen (grand-père maternel de Pépin de Herstal), que nous
avons évoqué plus tôt. Toutefois, les parents de ce personnage nous
sont inconnus, n'étant pas cités dans les sources d'époques. Dans
les chroniques plus tardives, il fut présenté comme le fils d'un
dénommé Carloman, qui aurait été maire du palais sous le
règne de Théodebert II (qui régna de 596 à 612). Toutefois,
cette information douteuse est généralement rejetée par les
historiens modernes.
Par contre, du côté
paternel de Pépin de Herstal, l'on retrouve son grand-père Arnoul,
évêque de Metz. Occupant un poste prestigieux, l'on pourrait penser
que ce dernier était issu de la noblesse franque. Mais une fois
encore, les sources d'époque ne mentionnent pas ses origines.
Toutefois, selon
une chronique du IX° siècle, il serait le fils d'un dénommé
Bodogisel, ambassadeur franc à Constantinople. A noter que cette
filiation n'est sans doute pas le fruit du hasard, car ce dernier
serait le fils de Mummolin (maire du palais en 566),
peut-être fils de Mundéric (prince franc révolté contre
Thierry, fils de Clovis), lui-même fils de Clodéric
(roi franc de Cologne[9]).
Aujourd'hui, l'on
ne sait guère si Clovis et Clodéric faisaient partie de la même
famille, ou bien s'ils appartenaient à des lignées indépendantes.
Toutefois, la première hypothèse étant la plus répandue auprès des
historiens, et si la généalogie d'Arnoul est correcte, ce dernier
serait un lointain cousin des Mérovingiens.
Quant à Robert
le Fort, fondateur de la dynastie des Capétiens (ou Robertiens),
les sources nous permettent de le relier à la dynastie des comtes de
Hesbaye (il s'agit d'une région située au centre de l'actuelle
Belgique). A noter cependant qu'il existe d'autres hypothèses sur
l'origine des Robertiens, celle des comtes de Hesbaye étant la plus
partagée par les historiens : dans cette optique, Robert le Fort
serait le fils de Robert III, fils de Robert II, fils
de Thurimbert, fils de Robert I° (ce dernier, qui
vécut dans la première moitié du VIII° siècle, était un compagnon de
Charles Martel), fils de Lambert.
Au-delà de ce
dénommé Lambert, la généalogie devient plus incertaine. Ainsi, ce
dernier serait le descendant (on ne sait pas s'il était le fils ou
le petit-fils) de Robert, chancelier du roi Clotaire III,
au milieu du VII° siècle. Ce Robert serait le fils d'Erlebert,
fils d'un noble de Thérouanne dont l'identité est inconnue.
Ainsi, s'il
n'existe pas de lien généalogique formel entre Carolingiens et
Capétiens (comme cela est peut-être le cas entre Mérovingiens et
Carolingiens, via l'ascendance présumée d'Arnulf), ces deux
dynasties se sont souvent entrecroisées : ainsi, Rotrude,
l'époque de Charles Martel, était peut-être la fille de Lambert
; Ermengarde, l'épouse de Louis le Pieux (fils de
Charlemagne), était la petite-fille de Robert I° (fils de Lambert) ;
Adélaïde de Poitiers, l'épouse de Hugues Capet, était une
descendante des Carolingiens (cette dernière descendait de
Ramnulf I°, dont la mère, Adeltrude, était la fille de
Rotrude, elle-même fille de Charlemagne)
.
Aujourd'hui, il existe encore des descendants de la dynastie
capétienne, représentés d'une part par la maison de Bourbon
(surnommés
« Bourbons d'Espagne » car issus du roi d'Espagne
Philippe V,
petit-fils de Louis XIV),
dont le chef serait aujourd'hui
Louis de Bourbon
(parfois surnommé
Louis XX[10])
; d'autre part par la maison d'Orléans, représentée par
Henri d'Orléans,
comte de Paris. Quant à la querelle opposant les deux familles
portant sur la succession au trône de France, gageons qu'elle n'est
pas près de s'éteindre !
[1]
L'histoire des Mérovingiens, en raison d'un manque de sources,
conserve plusieurs zones d'ombre. Ainsi, cette dynastie a hérité son
nom du roi
Mérovée,
souverain peut-être légendaire, qui aurait participé à la
bataille des Champs catalauniques,
en 451, conflit opposant
Attila
à l'armée romaine. Mérovée, s'il a existé, serait le grand-père de
Clovis
(pour en savoir plus sur les origines des Mérovingiens,
cliquez ici).
Concernant la fin de la dynastie mérovingienne, elle prit fin
officiellement en 751, mais dans les faits, les rois francs avaient
été privés de leurs prérogatives depuis la
bataille de Testry,
livrée en 687 contre
Pépin de Herstal,
ancêtre des
Carolingiens
(pour en savoir plus à ce sujet,
cliquez ici).
[2]
La dynastie des Valois compte deux branches cadettes qui régnèrent
sur la France : les
Valois-Orléans
(en la personne de
Louis XII,
qui régna de 1483 à 1515) et les
Valois-Angoulême
(à savoir
François I°
et ses descendants, de 1515 à 1589).
[3]
Période qui comprend la
Révolution française
et l'Empire,
ce qui entraîna une vacance du pouvoir royal de l'ordre d'une
vingtaine d'années.
[4]
Ce souverain est souvent brocardée (à tort) dans la célèbre chanson
Le bon roi Dagobert,
comme nous l'avons vu dans un article desMensonges
de l'Histoire,
mon premier ouvrage, publié aux éditions l'Harmattan !
[5]
Au fil des siècles, trois grandes entités s’étaient formées en Gaule :
la Neustrie, à l’ouest ; l’Austrasie, à l’est ; et la Burgondie,
correspondant à l’actuelle Bourgogne.
[6]
Outre Eudes en Francie, l'on retrouvait de nouveaux souverains
partout en Europe : en Germanie, Arnulf, duc de Carinthie ; en Italie,
Bérenger, marquis de Frioul
;
en Provence, Louis l’Aveugle ; et en Bourgogne, Rodolphe I°, qui
refusait la domination d’Arnulf.
Toutefois, les souverains de Germanie parvinrent rapidement à
l'emporter sur les petits souverains : l'Italie fut conquise en 951,
ainsi que le royaume de Bourgogne, agrémenté de la Provence, en
1032.
[7] Eudes était le fils de
Robert le Fort, fondateur de la dynastie des Robertiens (ce
dernier avait été tué lors d'une bataille contre les Vikings en
866).
[8]
L'appellation de
« prince de sang
» date du XV° siècle. Elle est employée pour désigner les
aristocrates issus de la lignée mâle de
Saint Louis.
[9]
A noter que Clodéric fut tué sur ordre de Clovis en 508, ce dernier
souhaitant unifier les royaumes francs sous son égide.
[10]
Louis XIX
n'a pas véritablement existé ; toutefois, Louis Antoine d'Artois,
fils aîné de
Charles X
(qui fut le dernier représentant des Bourbons), hésita pendant
quelques minutes à contresigner l'acte d'abdication de son père.
Ainsi, les historiens considèrent parfois qu'il fut un
« roi sans couronne » pendant ce court laps de temps.