Les colons espagnols ont commis un génocide en Amérique du sud
Faux !
Suite à la découverte du nouveau monde par
Christophe Colomb, en 1492, plusieurs milliers de colons
espagnols vinrent s'installer en Amérique du sud. Cet immense continent fut
toutefois partagé entre l'Espagne et le Portugal en 1494, lors du traité
de Tordesillas, fixant la frontière entre les deux royaumes sur le 46°
méridien ouest (c'est à dire la côte littorale du Brésil).
Statuette à l'effigie de
Christophe Colomb, par Charles Cordier, vers 1876, musée de la
Marine, Paris.
Colomb fut le premier à approuver le système de l'encomienda, imposant
un travail forcé aux peuples amérindiens ne pouvant pas fournir un tribut
en métaux précieux. En raisons d'abus menés par les encomenderos
(c'est ainsi qu'étaient nommés les responsables d'une encomienda), la
couronne d'Espagne tenta de mieux encadrer ce système, promulguant les
lois de Burgos en 1512 : les indigènes
devaient bénéficier de jours de repos, être nourris et logés, être mieux
protégés (interdiction de faire travailler les femmes enceintes,
interdiction de battre un Amérindien), recevoir une instruction religieuse et un salaire.
Au XVI° siècle, l'Empereur germanique Charles Quint constata que les
lois de Burgos étaient peu ou prou appliquées dans le nouveau monde. Ce dernier promulgua alors
les Leyes nuevas ("lois nouvelles" en français) en 1542, abolissant
les encomiendas. Toutefois, cette réforme provoqua une importante révolte
des encomenderos dans le nouveau monde, et les Leyes nuevas furent
finalement abrogées[1].
Charles Quint, par Peter
Paul RUBENS, vers 1603, Deutsches historisches museum, Berlin.
D'autres exactions furent menées par les
conquistadors[2],
qui, luttant contre les peuples du continent sud-américain,
démontrèrent leur manque de scrupules et leur soif inextinguible
d'or.
Les plus connus de ces combattants sont Hernan
Cortes, qui s'empara en 1521 de Tenochtitlan[3],
capitale de l'Empire aztèque, faisant tuer l'Empereur
Cuauhtémoc ; ainsi que Francisco Pizarro, qui fit la
conquête de l'Empire inca en 1533, faisant tuer l'Empereur
Atahualpa.
Ces conflits furent d'autant plus violents que
les conquistadors furent horrifiés par les sacrifices humains
perpétrés par les indigènes (à noter que ces pratiques,
exceptionnelles chez les Incas, étaient au contraire fréquentes chez
les Aztèques[4]).
Les exactions des conquistadors, cumulées à
l'asservissement des Amérindiens, auraient causé douze millions de
morts selon Bartholomé de Las Casas, un dominicain[5]
espagnol (ce dernier, hostile aux encomiendas, fut à l'origine des
Leyes nuevas, promulguées par Charles Quint).
Il convient cependant de préciser que les
historiens manquent de sources concernant la démographie de cette
époque. Ainsi, il est aussi difficile d'estimer le nombre
d'habitants en Amérique du sud avant l'arrivée des colons que de
connaitre le nombre exact des pertes humaines causées par la guerre.
Selon les estimations les plus vraisemblables, le
continent sud-américain aurait abrité près de 50 millions
d'habitants au début du XVI° siècle : 5 millions en Amérique
centrale, 18 millions dans l'Empire aztèque, 12 millions dans
l'Empire inca, 4 millions au Brésil, et 5 millions dans les
Caraïbes.
Toutefois,
l'on estime que plus de la moitié de la population amérindienne
disparut en l'espace d'un siècle, le taux de perte atteignant 90%
dans certaines régions. Ainsi, selon certaines sources, l'Empire
aztèque comptait 18 millions d'habitants en 1492, pour six millions
en 1543, et un million en 1600.
Ces chiffres seraient-ils le résultat d'un
génocide perpétré par les Espagnols ?
En réalité, la grande majorité des Amérindiens
furent victimes d'un choc
microbien.
Les colons espagnols,
lors de leur arrivée sur le nouveau monde, n'apportaient pas
avec eux que leurs fusils et leurs chevaux, mais aussi de nombreux
microbes inconnus des populations autochtones : choléra, grippe,
rougeole, tuberculose, variole, etc. Si les Européens souffraient de
ces virus, ils disposaient néanmoins d'anticorps dont n'étaient pas
équipés les populations amérindiennes.
Les conquistadors profitèrent grandement de ce
choc microbien, profitant de l'affaiblissement des populations
indigènes pour accroitre leur autorité sur le continent
sud-américain.
Certains historiens avancent même l'hypothèse que
certaines tribus amérindiennes disparurent en raison de ces
épidémies, avant même l'arrivée des colons européens (comme ce fut
le cas dans la région du Mississipi).
Mais à contrario, les Européens furent eux aussi
victimes de maladies, spécifiquement américaines, telles que le
vomito negro[6],
le pian (une maladie de la peau), et peut être la syphilis.
Au final, si
l'on ne peut nier que les Européens commirent d'importantes
exactions sur le continent américain, l'hécatombe démographique des
Amérindiens fut causée non par la violence, mais par la
prolifération des microbes occidentaux.
A noter enfin que
ce dépeuplement de l'Amérique du sud entraina les Européens à
faire appel à une nouvelle main d'œuvre, déportant plusieurs
centaines de milliers d'esclaves noirs en direction du nouveau monde.
[1]
Le système de l'encomienda ne fut officiellement aboli qu'en
1791, mais donna naissance
aux grandes propriétés terriennes, les haciendas, qui
caractérisent l'Amérique du sud.
[2]
Conquistador signifie "conquérant" en français. A noter que ce terme
renvoyait à la reconquista, période au cours de laquelle les Espagnols
avaient peu à peu chassé les musulmans d'Espagne.
[3]
Tenochtitlan fut fondée vers l'an 1300, sur une île du lac Texcoco.
Selon les estimations de certains historiens, la capitale de
l'Empire aztèque comptait plus de 500 000 habitants lors de
l'arrivée des colons espagnols. Après la prise de la ville par les
conquistadors, Cortes fit assécher le lac Texcoco, fondant Mexico
sur les ruines de Tenochtitlan.
[4]
Chez les
Incas, les sacrifices humains ne se faisaient qu'en de grandes
occasions (mort de l'Empereur, catastrophe naturelle, etc.) ; au
contraire, l'on estime que les Aztèques sacrifiaient environ 3 000
personnes par an.
L'ordre
des Dominicains
(ou
ordre des frères prêcheurs)
avait été fondé en 1215 par
Dominique de Guzman, un prêtre espagnol.
[6]
Le vomito negro ("vomi noir" en français) se transmettait par les
moustiques, dans les régions chaudes du Mexique. Après de fortes
fièvres, la victime souffrait de vomissements de sang
jusqu'à
ce que mort s'en suive.