Faux !
Voici la définition que donne le Petit Robert (édition 1990) au mot
"massacrer" : (du latin matteuculare, de matteuca "massue")
Tuer avec sauvagerie et en masse (des êtres qui ne peuvent pas se défendre).
Synonyme de détruire, exterminer.
Le mot "massacre"
désigne donc une tuerie brutale, massive, et perpétrée contre des
civils.
Le massacre de
Boston, survenu le 5 mars 1770, s'inscrit dans un contexte de
montée des tensions entre l'Angleterre et les treize colonies,
quelques années avant le déclenchement de la guerre
d'indépendance américaine[1]
.
A l'issue de la
guerre de sept ans[2],
en 1762, l'Angleterre avait récupéré le Canada et la Louisiane,
territoires perdus par la France. L'année suivante, le souverain
britannique Georges III rédigea la proclamation royale,
prévoyant de céder aux Amérindiens les nouveaux territoires situés à
l'ouest des treize colonies.
Georges III, par Anna Rosina VON LISIEWSKI, 1779, Deutsches historisches museum, Berlin.
Ce traité, qui ne
plaisait guère aux colons, fut suivi de dix années de lois
coercitives, qui désagrégèrent peu à peu
les relations entre les treize colonies et la métropole (à noter que
les finances de l’Angleterre, à l'issue de la guerre de sept ans,
étaient au plus mal, alors que le continent nord-américain
connaissait une vive croissance économique).
Parmi ces lois, l'on compte le Sugar Act (avril
1764), ou "loi sur
le sucre", maintenant les taxes sur le sucre importé[3],
mais étendant ces dernières à d’autres produits (vins, cafés,
piments, etc.) ; le Stamp Act
(1765), ou "loi sur le timbre", établissant qu'un timbre fiscal
était dorénavant obligatoire pour une série de documents (textes
officiels, journaux, testaments, jeux de cartes, livres, etc.) ; le
Quartering Act (mars 1765), ou "loi sur
le cantonnement des troupes", prévoyant que les soldats britanniques
devaient être logés chez l'habitant ; et les Townshend Acts[4]
(1767), prévoyant la mise en place de taxes sur les produits importés
dans les treize colonies (thé, papier, verre, peinture, etc.).
Peu à peu, les
colons mécontents de la tutelle britannique se regroupèrent, donnant
naissance au mouvement des
Sons of Liberty ("fils de la liberté"). Ces
derniers en appelèrent au boycott des produits anglais, rappelant que le
Parlement de Londres était en pleine inégalité car il imposait des taxes à
un peuple n’ayant pas de représentation politique sur le continent[5].
Se tournant vers la contrebande, les Sons of Liberty attaquèrent le
bureau de douanes de Boston, qui avait été ouvert par la couronne
britannique afin de surveiller les côtes (1768).
Mais si Georges III avait envoyé de
nouvelles troupes dans les treize colonies suite à l'incident du
bureau de douanes, l'ambiance restait électrique, particulièrement à
Boston, où les échauffourées entre soldats et civils étaient
fréquentes. Ces dernières firent une première victime le 22 février
1770, lorsqu'un enfant, Christopher Seider, fut tué par un
employé des douanes.
L'impact de cet incident, exacerbé par la
propagande des Sons of Liberty, ne fit qu'accroitre les tensions
entre colons et soldats.
Mécontentement des colons américains
suite à la promulgation du Stamp Act, illustration issue de l'ouvrage
History of the United States, par Benjamin ANDREWS, Etats Unis, 1912.
Peu de temps après, le 5 mars 1770, les
citoyens de Boston s'attroupèrent devant le bureau de douane, car un
des soldats de garde avait frappé un apprenti perruquier, qui
réclamait le remboursement d'une dette contractée par un officier
britannique.
Comme la foule grossissait de minutes en
minutes, le capitaine Thomas Preston ordonna à ses soldats de
se mettre en formation, puis il demanda aux manifestants (peut être
400 personnes ?) de se disperser.
C'est alors qu'un des soldats fut frappé
par un objet lancé par un des colons. Les Britanniques ouvrirent
alors le feu spontanément, tuant trois personnes : Crispus
Attucks, un mulâtre ; James Caldwell, un marin ; et
Samuel Gray, un fabriquant de cordes. Deux autres personnes,
blessées, moururent dans les jours qui suivirent : Patrick Carr,
un immigré irlandais ; et Samuel Maverick, un apprenti
ivoirier.
Suite à cet évènement, le gouverneur de
Boston, Thomas Hutchinson, jura qu'une enquête serait ouverte
afin de punir les coupables de la fusillade, et la foule se dispersa
finalement.
Le massacre de Boston,
illustration issue de l'ouvrage History of the United States, par
Benjamin ANDREWS, Etats Unis, 1912.
Toutefois, le massacre de Boston fut
exacerbé à son tour par les Sons of Liberty, qui présentèrent
l'incident comme un acte de barbarie perpétré par l'envahisseur
britannique.
Plusieurs gravures représentant cet
évènement furent diffusés dans les treize colonies, l'image
permettant de véhiculer l'émotion encore mieux que les mots (le
capitaine Preston fut présenté comme un meurtrier donnant ordre à
ses hommes d'ouvrir le feu ; le mulâtre Crispus Attucks fut
représenté avec la peau blanche ; le nombre de victimes fut
largement exagéré ; etc.).
Le procès, quant à lui, se tint en
novembre 1770. Le capitaine Preston fut innocenté, et seuls deux
soldats sur les huit inculpés furent condamnés pour meurtre (les six
autres bénéficiaient de la légitime défense). Ces derniers
échappèrent à la peine de mort grâce au Privilegium clericale,
et furent marqués au fer rouge sur le pouce[6].
Au final, si le massacre de Boston reste
aujourd'hui un des principaux évènement de la guerre d'indépendance
américaine, l'on peut difficilement parler de "massacre" à
proprement parler, en raison du faible nombre de victimes et du fait
que les citoyens de Boston
étaient aussi armés qu' hostiles.
[2]
Pour en savoir plus sur la guerre de sept ans, cliquez ici.
[3]
Les taxes sur le sucre apparurent suite à la promulgation du
Sugar and Molasses Act, en 1733. La loi prévoyait une taxe sur
les produits sucriers importés dans les treize colonies (le sucre
français, produit dans les Caraïbes, était à l’époque très prisé par
les colons car peu onéreux.). Cette loi ne fut toutefois guère
appliquée.
[4]
Ou "lois Townshend" en français,
du nom de Charles
Townshend, chancelier de l’échiquier (cette charge était
similaire à celle d’un ministre des finances aujourd’hui).
[5]
Georges III répliqua en mars 1766, en promulguant le Declaratory Act ("loi
déclaratoire"), rappelant que le Parlement de Londres avait toute autorité pour
imposer des lois aux treize colonies.
[6]
Au Moyen-âge, le
Privilegium clericale permettait
aux membres du clergé d'être jugés par un tribunal ecclésiastique.
Au XV° siècle, le roi Henri VII décida que les prévenus
n'étant pas membres du clergé pourraient bénéficier du
Privilegium clericale, mais une seule fois (ils devaient alors
recevoir un signe distinctive, marqué au fer rouge sur le pouce).