Le Prieuré de Sion, société secrète
mentionnée au XX° siècle dans de nombreux ouvrages à caractère ésotérique,
aurait été fondé par Godefroy de Bouillon en 1099, à l'issue de la
Première croisade[1].
Les membres de l'ordre, choisis parmi l'élite (parmi lesquels Alexandro
Boticelli, Léonard de Vinci, Isaac Newton, Victor Hugo,
Jean Cocteau, etc.), auraient eu pour fonction de protéger la
descendance des Mérovingiens[2].
Ainsi, l'héritier de Clovis serait un dénommé Pierre Plantard, grand
maître du Prieuré de Sion.
Mais qu'en est il en réalité ? Le Prieuré de Sion est-il un ordre aussi
ancien ? Comment fut découverte cette société restée apparemment secrète
aussi longtemps ? Et enfin, Plantard est-il véritablement un descendant de
Clovis ?
Emblème du Prieuré de Sion.
Plantard, né en mars 1920 au sein d'une famille
modeste, se rapprocha très tôt des courants d'extrême-droite. En fin d'année
1937, il fonda le mouvement Alpha Galates, qui soutint le régime de
Vichy pendant la Seconde Guerre mondiale. Entre 1942 et 1943, Plantard
publia à six reprises un petit bulletin mensuel, Vaincre - Pour une jeune
chevalerie, y signant des articles sous la plume de
« Pierre de France »
ou
« Pierre de France-Plantard.
»
A la Libération, il parvint à faire passer son mouvement pour un groupe
de résistance, et, bien que
«
collabo »,
ne fut jamais inquiété. Par la suite, en juillet 1951, Plantard fit son
entrée dans la franc-maçonnerie, rejoignant le Grand Orient de France (il en
fut exclu en 1954, suite à une condamnation à six mois de prison pour abus
de confiance).
En 1956, il révéla être le dirigeant du Prieuré de Sion, organisation
qui fut déclarée à la sous-préfecture de Saint-Julien-en-Genevois,
bénéficiant du statut de la loi de 1901 sur les associations.
Pierre Plantard.
Au début des années 1960, Plantard se rapprocha de Gérard de Sède,
journaliste et écrivain, avec qui il travailla à l'écriture de plusieurs
romans : Les Templiers sont parmi nous (1962), Le trésor cathare
(1966), L'or de Rennes, ou la vie insolite de Bérenger Saunière
(1968), et Le trésor de Rennes-le-Château (1969).
Couvertures des romans de Gérard de Sède
: Les Templiers sont parmi nous, Le trésor cathare, Le trésor de
Rennes-le-Château.
Ces romans pseudo-historiques connurent malgré tout un grand succès,
parvenant indirectement à faire la promotion du Prieuré de Sion. S'exportant
outre-Manche au début des années 1970, ces récits intéressèrent le
journaliste et écrivain anglais Henry Lincoln,
qui
« découvrit
» une série de documents enregistrés à la Bibliothèque nationale de
France,
les dossiers secrets d'Henri Lobineau.
Ces documents, rassemblés en un mince volume, constituaient un mélange
particulièrement hétéroclite. Ainsi, l'on y retrouvait des arbres
généalogiques, des coupures de presse, des extraits d'autres ouvrages, des
lettres manuscrites, une liste des grands maîtres de l'ordre, des poèmes,
etc. Les informations rassemblées dans ce
« dossier
secret
» confirmaient la fondation du Prieuré de Sion en 1099, ses liens avec
l'ordre du Temple, ainsi que l'ascendance mérovingienne de Plantard.
Liste des grands maîtres de l'ordre du
Prieuré de Sion, retrouvée dans les
« dossiers
secrets.
»
S'appuyant sur cette
« découverte
», Lincoln réalisa ensuite une série de documentaires pour la chaîne
anglaise
BBC2,
tels que
Le trésor perdu de Jérusalem
(1972),
Le prêtre, le peintre et le diable
(1974), et
L'ombre des Templiers
(1979). Puis, en 1984, il coécrivit
L'Enigme sacrée,
formulant la théorie selon laquelle la dynastie des Mérovingiens serait
issue de l'union du Christ et de Marie Madeleine. Dans cette optique, la
mission du Prieuré de Sion aurait été de protéger l'existence de cette
« sainte
lignée
».
Mais en réalité, les fameux
« dossiers
secrets
» avaient été introduits à la Bibliothèque nationale de France par
Plantard lui-même, entre 1964 et 1967. Henri Lobineau n'a donc jamais
existé, pas plus que les auteurs mentionnés dans ce fonds.
D'ailleurs, suite à la
publication de
L'Enigme sacrée,
Plantard rejeta les conclusions de Lincoln, indiquant que les documents du
« dossier
secret
» étaient erronés. Ainsi, sur la base de nouveaux écrits,
« découverts
» à Barcelone, il annonça que le Prieuré de Sion avait été fondé non en
1099 mais en 1681, en profitant au passage pour modifier la liste des grands
maîtres de l'ordre.
Puis, en 1993, Plantard fut auditionné par la justice française, dans le
cadre d'une enquête sur la mort de l'homme d'affaires Roger Patrice Pelat.
Ce dernier, décédé en mars 1989 (soit un mois après avoir été inculpé de
délit d'initié), avait été nommé grand maître du Prieuré de Sion à titre de
posthume par Plantard. Suite à une perquisition organisée à son domicile, au
cours de laquelle furent retrouvés une série de faux documents, Plantard
avoua finalement que le Prieuré de Sion était une imposture issue de son
imagination, et que Pelat n'avait aucun rapport avec cet ordre.
Suite à cette affaire, Plantard resta isolé jusqu'à son décès en février
2000.
Toutefois, malgré les aveux du principal intéressé, la légende du Prieuré de
Sion ne disparut pas pour autant. Ainsi, les informations contenues dans
L'Enigme sacrée, l'ouvrage coécrit par Henry Lincoln en 1984, furent
reprises dans le Da Vinci Code de l'Américain Dan Brown,
publié en 2003.
Ce roman pseudo-historique, bénéficiant d'un important succès commercial,
fut vendu à plus de 80 millions d'exemplaires à travers le monde, et fut
adapté au cinéma en 2006. Dan Brown, bien que plus distant vis-à-vis de
l'imposture de Plantard (contrairement à Gérard de Sède ou Henry Lincoln),
parvint néanmoins à propager le mythe du Prieuré de Sion dans l'inconscient
populaire.
[1]
Pour en savoir plus sur la Première croisade,
cliquez ici.
[2] Les Mérovingiens
régnèrent sur la France du V° au VIII° siècle (quoique dans les
faits, la royauté passa entre les mains des maires du palais suite à
la bataille de Testry, en 687). Nous avons abordé cette
question sur
cette page.