Le siège de Béziers fut un épisode sanglant de la
croisade contre les cathares, lancée en 1209 par le pape Innocent III.
Les croisés, pénétrant dans la ville assiégée, firent un carnage. A cette
occasion,
Simon V, seigneur de Montfort[1],
peu soucieux de faire le distinguo entre cathares et catholiques se trouvant
dans la cité, prononça ces mots cruels : tuez les tous, Dieu
reconnaîtra les siens
.
Simon de Montfort, par FEUCHERE, château de Versailles, Versailles.
Mais une fois encore, il semblerait que la réalité soit plus complexe que
les récits rédigés par la plume des écrivains du XIX° siècle.
Les cathares étaient
les héritiers des manichéens[2],
qui reconnaissaient deux dieux de puissance égale, l’un représentant le bien
(associé à l’âme.) et l’autre représentant le mal (associé au corps). Les adeptes de ce culte se divisaient en deux catégories : les fidèles de
base et les parfaits[3].
Contrairement aux fidèles, les parfaits menaient une vie ascétique et
chaste, mortifiant leur corps (assimilé au mal.).
Le catharisme, qui avait fait son apparition
dans le Languedoc au cours du XII° siècle, avait connu une rapide expansion,
facilitée par la corruption du clergé du Midi.
Les cathares rejetant
l'autorité de l’Eglise, le pape Innocent III décida de réformer le clergé du
Languedoc, organisa des missions de prosélytisme dans la région, et déclara
le catharisme comme une hérésie. A la mort de Pierre de Castelnau,
moine de Cîteaux et légat du pape, assassiné à Saint-Gilles en janvier 1208,
Innocent III décida de prêcher une croisade contre les cathares.
A l'été 1209, les
troupes se réunirent sous la direction d'Eudes III,
duc de Bourgogne. Cependant, en raison d'un désaccord avec d'autres
seigneurs, ce dernier
céda le commandement de la croisade à
Arnaud Amaury, abbé
de Cîteaux et légat du pape.
A noter que cette armée fut bientôt rejointe par une foule d’aventuriers
(appelés aussi ribauds ou truands dans les chroniques de
l'époque).
Raymond VI, comte de Toulouse,
dont l’autorité s’étendait de la vallée du Rhône jusqu’à Agen, fut apeuré en
voyant cette imposante armée approcher des ses terres. Alors qu'il n'avait
jamais rien entrepris contre les cathares, malgré les injonctions du pape,
Raymond VI décida de faire amende honorable en juin 1209.
Raymond VI se soumet devant le pape, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.
Les chefs de la croisade tournèrent alors leur attention vers Raymond-Roger Trencavel,
vicomte de Béziers. Le jeune homme (il était né en 1185), neveu et vassal de
Raymond VI, tenta de négocier avec les croisés. Toutefois, comme le
catharisme était très répandu dans cette région, Arnaud Amaury réclama une
reddition complète, ce que Trencavel refusa.
Ce dernier se réfugia donc à
Carcassonne suite à l'échec des pourparlers, les croisés assiégeant Béziers
à compter du mois de juillet 1209.
Dans un premier temps,
Arnaud Amaury négocia avec Renaud de Montpeyroux, évêque de Béziers.
Le légat du pape demanda à son interlocuteur que les cathares de la ville lui soient
livrés ; puis, comme l’évêque éprouvait des difficultés à recenser les
hérétiques, Arnaud Amaury demanda à ce que les catholiques sortent de la
cité. Seul l’évêque et quelques
chrétiens étant sortis, le siège se poursuivit.
Le 22 juillet, les ribauds
qui accompagnaient l’armée des croisés décidèrent de se baigner dans l’Orb,
une rivière coulant sous les murs de Béziers. Les assiégés,
n’appréciant guère de voir leurs ennemis se rafraichir sans protection,
décidèrent alors de sortir de la ville afin de les défier. Toutefois, les ribauds
prirent l'ennemi par surprise, poursuivant les Biterrois, qui ne parvinrent pas à
empêcher l’ennemi de pénétrer dans Béziers.
Les ribauds, suivis
par les croisés, firent un carnage. De nombreux Biterrois furent massacrés,
catholiques comme cathares. Les habitants s’étant réfugiés dans les
églises de la cité furent eux aussi passés par les armes.
Les chefs de la croisade,
apprenant que la ville était prise, pénétrèrent à leur tour dans Béziers.
Ces derniers tentèrent alors d’empêcher les ribauds de piller la cité, qui
était déjà la proie des flammes.
Les croisés et la prise de Béziers, par Paul Lehugeur, XIX°
siècle.
C'est à cette occasion que
le légat Arnaud Amaury aurait tenu les propos suivants : massacrez-les, car le Seigneur
connaît les siens ; transformés plus tard en : tuez les tous, Dieu
reconnaîtra les siens.
Mais cette citation, parfois
attribu
ée à Simon de Montfort,
est sujette à caution. En effet, elle n’apparait que dans une seule chronique,
rédigée par
Césaire, moine de
Heisterbach[4]
(né près de Cologne vers 1180, il ne participa jamais à la croisade)
; en
outre, Arnaud Amaury, à l’instar des autres chevaliers, n’arriva dans
Béziers qu’à la fin du massacre. A noter enfin que Simon de Montfort, en
1209, n'était qu'un "petit" seigneur, bien moins influent que le duc de
Bourgogne.
Les chroniques de l’époque
affirment que le sac de Béziers fit entre 7 000 et 15 000 victimes
(la cité ne comptant que 10 000 âmes au début du XIII° siècle,
l'on estime aujourd'hui que la moitié des habitants périrent lors du
siège). A noter par ailleurs que
dans ces mêmes écrits, la responsabilité du carnage n'est pas attribuée au
légat ou à Simon de Montfort, mais au contraire aux ribauds
indisciplinés, qui furent les premiers à entrer dans Béziers.
Suite au siège de
Béziers, les croisés assiégèrent Carcassonne, où s'était réfugié
Raymond-Roger Trencavel. A la mi-août 1209, les assiégés firent
reddition, et le vicomte de Béziers fut arrêté et emprisonné (il
mourut peut de temps après, en novembre 1209).
Trencavel ayant été
dépossédé de ces Etats, les chefs de la croisade décidèrent, après
de longues discussions, de céder ses terres à Simon de Montfort.
Ce dernier fut alors chargé de continuer la lutte contre les
cathares, suite au départ des croisés[5].
Toutefois, le
conflit en Languedoc se poursuivit pendant près d'un demi-siècle. Ce
dernier ne prit fin qu'en 1244, suite à la prise de Montségur,
dernier bastion cathare, permettant à la couronne de France de
reprendre le contrôle de la région
[1]
A noter que ce dernier est souvent nommé
Simon IV, car son père Simon (IV) fut longtemps confondu
avec son grand père Simon III.
[2]Manès, fondateur du manichéisme, vécut
en Perse au III° siècle avant Jésus Christ.
[3]
Le terme ‘Cathare’ vient du perse Katharos
qui signifie « pur. » A noter que ce nom, comme celui d'Albigeois
(Albi était l’un des centres du catharisme), fut employé uniquement par
l’Eglise. En effet, les adeptes du catharismes se désignaient sous
les noms de bon hommes
ou de bons chrétiens.
[4] Il s'agit
d'un monastère situé près de Bonn, en Allemagne.
[5] Pour en
savoir plus sur la croisade de 1209 et ses suites,
cliquez ici.
[6]
Pour en savoir plus sur la fin du conflit languedocien,
cliquez ici.