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Mythologie
 
 

 

 

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Les mensonges de l'Histoire


Les quatre évangiles

Selon la tradition chrétienne, les quatre évangiles furent rédigés par les apôtres Marc, Mathieu, Luc et Jean (à qui la tradition accorde aussi la paternité de l'Apocalypse). Cependant, alors que l'on pourrait s'imaginer que ces quatre livres proposent quatre récits différents ayant pour objectif de former un « tout » une fois regroupés, force est de constater que l'on retrouve d'importantes similitudes entre les évangiles.

Ces fortes ressemblances d'un texte à l'autre, ainsi que les problèmes soulevés par la datation des évangiles, soulèvent donc de nombreuses interrogations. Ces quatre livres furent-ils écrits par les disciples du Christ ? A quelle date furent-ils véritablement rédigés ? Et surtout, pourquoi retrouve-t-on de nombreux passages identiques d'un évangile à l'autre ?

La Cène.

 

Encore aujourd'hui, la datation des évangiles reste sujet à controverse. Ainsi, s'il est communément admis que le livre de Jean fut rédigé en dernier, il existe plusieurs théories expliquant les similarités entre les œuvres attribuées à Marc, Mathieu et Luc (ces derniers sont qualifiés d'évangiles synoptiques, car offrant de nombreuses concordances).

En effet, les études faites sur le Nouveau Testament démontrent que le livre de Marc se retrouve en quasi-intégralité dans Luc et Mathieu, ces derniers ayant en commun environ un quart de leur œuvre. Dès lors, l'on estime que l'évangile selon Luc serait unique à cet auteur à 35 %, contre 20 % pour celui de Mathieu.

Cependant, si les emprunts mots à mots entre les textes sont plus flagrants en grec (langue dans laquelle furent écrits les quatre évangiles), on peut les retrouver dans la traduction française. Parmi les passages quasiment identique entre Mathieu et Luc : Moi, je vous baptise d'eau, pour vous emmener à la repentance ; mais celui qui vient après moi est plus puissant que moi, et je ne suis pas digne de porter ses souliers. Lui, il vous baptisera du Saint-Esprit et de feu (Mathieu, chapitre 3, verset 11) ; Moi, je vous baptise d'eau ; mais il vient, celui qui est plus puissant que moi, et je ne suis pas digne de délier la courroie de ses souliers. Lui, il vous baptisera du Saint-Esprit et de feu (Luc, chapitre 3, verset 16).

L'on retrouve aussi plusieurs extraits à l'identique entre Marc et Mathieu, dont : Jean avait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour de ses reins. Il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage (Mc 1, 6 ; Mt 3, 3).

Schéma illustrant le problème synoptiques et les emprunts d'un évangile à l'autre.

 

Les théories destinées à résoudre le problème synoptique, particulièrement nombreuses, se sont multipliées à compter du XVIII° siècles, de nombreux érudits étant soucieux de comprendre la raison des similarités entre les textes. Parmi les plus anciennes, l'on peut citer la double tradition (selon laquelle deux évangiles auraient été utilisés comme sources pour un troisième texte) et la triple tradition (selon laquelle deux évangiles se seraient inspirés d'un texte plus ancien), l'une étant en contradiction complète avec l'autre.

Parmi les hypothèses anciennes, l'on pourrait aussi citer celle de l'évangile primitif (baptisé Ur-Gospel), formulée par l'Allemand Gotthold Lessing au XVIII° siècle, indiquant que les trois évangiles s'inspirèrent d'un texte plus ancien, aujourd'hui disparu ; ou celle des fragments, du philosophe allemand Friedrich Schleiermacher, qui au début du XIX° siècle expliqua que chacun des évangélistes avaient pioché dans un grand nombre de documents disparates, rédigés par des auteurs plus anciens.

 

Cependant, ces théories apparaissent datées aujourd'hui, n'étant pas en mesure de répondre à toutes les questions qu'elles soulèvent. Ainsi, l'hypothèse du Ur-Gospel omet de préciser que le texte de Marc, plus influencé par les traditions juives, est aussi plus « archaïque » ; celle des fragments ne permet pas d'expliquer pourquoi l'on retrouve la quasi-totalité de Marc dans les évangiles de Luc et Mathieu.

Ainsi, les chercheurs retiennent aujourd'hui deux principales hypothèses.

Tout d'abord, la priorité de Marc sur Luc et Mathieu (et accessoirement sur Jean, dont l'évangile est considéré comme « à part »), s'inspirant du schéma de la triple tradition. En effet, le texte de Marc est le plus court, il est donc probable que Luc et Mathieu s'en soient inspirés en y rajoutant de nouveaux éléments[1] ; par ailleurs, l'auteur cite des phrases en araméen (dialecte parlé en Judée, au même titre que l'hébreux), ce que ne font pas les autres évangélistes ; enfin, comme nous l'avons vu précédemment, le texte de Marc est rédigé dans un style plus archaïque, mais aussi plus influencé par les traditions judaïques, ce qui suggère qu'il serait le plus ancien des quatre évangiles.

Schéma illustrant la priorité de Marc sur Mathieu et Luc.

Cependant, il existe aussi une autre théorie, celle de la Source Q (qui provient de l'allemand quelle, ce qui signifie « source »). Cette dernière, s'inspirant en partie de l'hypothèse de l'évangile primitif, tente d'expliquer les similarité en Luc et Mathieu (ces derniers ayant un quart de leur œuvre en commun), tout en confirmant l'antériorité de Marc. La Source Q, aujourd'hui disparue, aurait été écrite en grec (si elle avait été rédigée dans une autre langue, il n'y aurait pas de similarités mots à mots entre Luc et Mathieu), mais les partisans de cette théorie ne parviennent pas à s'entendre sur son antériorité vis-à-vis de l'évangile de Marc.

Hypothèse de la Source Q.

A noter que certains chercheurs ont tenté de (re)donner naissance à la Source Q en compilant les passages du Nouveau Testament qui en seraient extraits. Il apparait alors que ce nouvel « évangile » n'a pas de trame narrative, compilant les principaux enseignements du Christ (parabole de la paille et de la poutre, parabole du bon samaritain, parabole du bon et du mauvais charpentier, etc.).

Cependant, la Source Q ne fait pas l'unanimité, certains chercheurs estimant que l'ordre traditionnel des évangiles est le bon (Mathieu, Marc, Luc, Jean), éliminant du coup l'hypothèse d'un proto-évangile ; d'autres considèrent au contraire, sans rejeter l'antériorité de Marc, que Mathieu se serait inspiré de Luc.

 

A l'aune de ces deux hypothèses récentes, il semble donc aujourd'hui que l'évangile de Marc soit le plus ancien, datant de 60 à 75 après Jésus-Christ (cependant, la copie la plus ancienne en notre possession, le papyrus 88, date du IV° siècle).

Ce texte ayant été rédigé une trentaine d'années après la crucifixion du Christ, telle qu'elle est décrite dans les évangiles, l'on pourrait penser que l'auteur de ce texte n'est autre que Saint Marc, l'un des premiers disciples de l'apôtre Pierre[2].

Cependant, l'évangile de Marc (comme les trois autres) est anonyme, ne mentionnant jamais le nom de son auteur. En Orient, l'évêque Papias d'Hiérapolis (cité se trouvant dans l'actuelle Turquie), se basant sur des témoignages anciens, considérait que l'auteur de cet évangile était un dénommé Jean (surnommé Marc ou Marcus, ce qui signifie « marteau »), compagnon de l'apôtre Pierre, mentionné à plusieurs reprises dans les Actes des apôtres (sous le nom de « Jean surnommé Marc »).

Toujours au II° siècle, mais en Occident, le philosophe Justin de Naplouse attribuait la paternité de cet évangile à Pierre, en raison de l'importance accordée à cet apôtre dans cet évangile.

Aujourd'hui, il est impossible de connaître le véritable auteur de ce texte, ni de savoir si ce « Jean-Marc » ne faisait qu'un avec Saint Marc.

Néanmoins, l'usage de mots dérivés du latin et d'expression dérivées de la grammaire latine (alors que l'évangile de Marc fut rédigé en grec) tend à démontrer que ce texte fut rédigé dans un milieu où l'on parlait le latin, peut-être à Rome[3] (ce qui renforcerait l'hypothèse de Papias d'Hiérapolis, Marc ayant suivi Pierre dans la capitale impériale vers 60 après Jésus-Christ). 

 

L'évangile selon Mathieu, quant à lui, fut peu ou prou rédigé à la même période que celui de Luc, c'est-à-dire entre 70 et 100 après Jésus-Christ (la copie la plus ancienne à notre disposition, le papyrus 104, très abîmé, date de la fin du II° siècle).

Verso du papyrus 104.

Encore une fois, ce texte est anonyme, et fut rattaché à Saint Mathieu (de son vrai nom Mattityahu, il est parfois appelé Levi dans la Bible), apôtre du Christ, par Papias d'Hiérapolis au II° siècle de notre ère. L'historien ecclésiastique Eusèbe de Césarée, reprenant ces informations, indiqua dans l'un de ses ouvrages que Mathieu, installé à Jérusalem, avait compilé plusieurs récits sur la vie du Christ, afin de rédiger un évangile en hébreu. Puis, après sa mort, le texte fut traduit en grec.

Le récit d'Eusèbe de Césarée permettrait d'affirmer que Saint Mathieu fut bien l'auteur de cet évangile, mais que suite à son décès (survenu vers 60 après Jésus-Christ), le texte fut retouché à plusieurs reprises et traduit en grec. Cependant, aucune source ne nous permet de confirmer l'existence d'un évangile rédigé en hébreu ; par ailleurs, il ne pourrait pas il y avoir autant de similarité mot à mot avec les livres de Marc et Luc si l'évangile de Mathieu avait été d'abord rédigée dans une autre langue que le grec).

En raison d'un manque de sources, il est donc impossible, une fois encore, de connaître le (ou les) véritable(s) auteur(s) de ce livre.

 

L'évangile de Luc, très similaire à celui de Mathieu, fut rédigé à la même époque, entre 80 et 100 après Jésus-Christ (les plus anciennes copies de cet ouvrage sont le papyrus 4 et le papyrus 75, datant de la fin du II° siècle et du début du III° siècle). A noter que l'évangile de Luc est le plus long des quatre, devançant de peu celui de Mathieu.

Le papyrus 75.

Ce livre, comme tous les autres, est anonyme, à la différence qu'il est dédié à un dénommé Théophile : Il m'a aussi semblé bon, après avoir fait des recherches exactes sur toutes ces choses depuis leur origine, de te les exposer par écrit d'une manière suivie, excellent Théophile (Lc 1, 3). D'ailleurs, l'auteur de cet évangile est le même que celui des Actes des apôtres (qui suit l'évangile de Jean dans la Bible[4]), ce dernier écrivant : Théophile, j'ai parlé, dans mon premier livre, de tout ce que Jésus a commencé de faire et d'enseigner dès le commencement jusqu'au jour où il fut enlevé au ciel, après avoir donné ses ordres, par le Saint-Esprit, aux apôtres qu'il avait choisis (Aa 1, 1-2).    

Cet évangile fut, dès le II° siècle, unanimement attribué à Saint Luc (de son vrai nom Loukios ou Loukas), disciple de l'apôtre Saül (surnommé Paul ou Paulus, ce qui signifie « petit »). Ce dernier, originaire de Judée, fut dans un premier temps un fervent défenseur du judaïsme. Cependant, après que le Christ lui ait apparu, il décida de se faire baptiser, puis participa à la diffusion du christianisme dans l'Empire romain[5].

Paul, l'auteur des épîtres (qui suivent les Actes des apôtres), mentionne Luc dans l'une de ses lettres : Luc, le médecin bien-aimé, vous salue, ainsi que Démas (épîtres aux Colossiens, 4, 14).   

En effet, contrairement à l'évangile de Luc, où l'auteur ne fait que compiler une série de récits sur le Christ, s'inspirant de Marc, de Mathieu (et peut-être de la Source Q), il participe aux évènements décrits dans les Actes des apôtres, utilisant la première personne du pluriel. Dans ce récit, il accompagne Paul dans ses voyages, en Judée, en Grèce et à Rome (entre 50 et 65).

Les recoupements entre les Actes des apôtres et les différents épîtres de Paul nous permettent de penser que Luc fut bien l'auteur de cet évangile. Cependant, des questions restent en suspens quant aux relations entre Luc et Paul, les travaux de ces deux auteurs faisant preuve d'un grande imperméabilité vis-à-vis l'un de l'autre. En effet, Paul ne mentionne pas l'évangile de Luc dans ses écrits ; à contrario, les enseignements de Paul ne semblent pas transparaitre dans l'évangile de Luc (certains chercheurs tentent d'expliciter ces relations ambigües en expliquant que Luc n'aurait été que le traducteur d'un texte plus ancien, mais cette hypothèse ne s'appuie sur aucune source crédible).

Dans tous les cas, la présence de Luc aux côtés de Paul, entre 50 et 65, ne coïncide guère avec les dates de rédaction de cet l'évangile, entre 80 et 100. Ainsi, si l'on considère que Luc fut effectivement le disciple de Paul, participant à ses voyages, cela signifie de son évangile fut retouché à plusieurs reprises, comme celui de Mathieu, jusqu'à la fin du I° siècle.  

 

Enfin, le quatrième évangile, celui de Jean, fut le dernier à avoir été rédigé, entre 80 et 110 après notre ère (la copie la plus ancienne à notre disposition, le papyrus P52, fragmentaire, est daté de 130 environ).

Le papyrus P52.

Pour comme les autres livres, cet évangile est lui aussi anonyme. Cependant, l'on y retrouve le texte suivant : Il y eut un homme envoyé de Dieu : Son nom était Jean. Il vint pour servir de témoin, pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous crussent par lui (Jean 1, 6-7).

En toute logique, et même si l'auteur ne se présente pas comme le « Jean » mentionné dans le texte, l'Eglise ne tarda guère à attribuer la paternité de cet évangile à Saint Jean (de son vrai nom Yohanan, présenté comme Jean, fils de Zébédée dans la Bible), apôtre du Christ. Mais en Orient, Papias d'Hiéropolis, que nous avons évoqué plus tôt, attribua cet évangile à Jean le Presbytre[6], un disciple de l'apôtre Jean.

Cependant, l'apôtre Jean n'est plus mentionné dans les écritures après la réunion de Jérusalem (organisée par les disciples du Christ vers 50 après Jésus-Christ), laissant à penser qu'il serait décédé peu après ; en outre, le style grammatical particulier de l'évangile de Jean, ainsi que ces nombreuses différences avec les autres textes, tendent à démontrer que cet ouvrage fut rédigé plus tardivement, au début du II° siècle de notre ère. L'auteur de cet évangile, à l'instar de Luc, ne fut donc pas un contemporain du Christ.

Cet ouvrage, rédigé à Ephèse selon la tradition, se distingue par rapport aux autres évangiles sur près de 90 % du matériel narratif. Il introduit le personnage du « disciple bien aimé » (aujourd'hui assimilé à Jean mais jamais nommé précisément dans le texte), et étale la vie publique du Christ sur trois années (au lieu d'une seule dans les autres livres). Par ailleurs, c'est le seul évangile qui contient l'histoire de la femme adultère.

La date de rédaction de cet évangile en fait donc un ouvrage « à part », plus emphatique et plus poétique, très différents des trois autres livres. Cependant, nous n'avons aujourd'hui guère de sources permettant de confirmer l'identité de son auteur. Ainsi, il semblerait qu'à l'instar des évangiles de Mathieu et Luc, le récit de Jean ait été retouché jusqu'au début du II° siècle.

 

Ainsi, comme nous avons pu le constater, l'étude historique de ces différents évangiles nous permettent de déceler de nombreuses informations, parfois en cohérence avec la tradition chrétienne, parfois non.

A noter toutefois que le problème synoptique, en raison du manque de source, ne sera sans doute jamais définitivement réglé. Néanmoins, force est de constater que la question du « qui a copié sur qui ? » continuera longtemps à susciter des interrogations, surtout à une époque où le plagiat est puni par la loi.

Cependant, il convient de préciser que c'est la forme même de la Bible (où du moins du Nouveau Testament) qui peut porter à confusion, dans la mesure où les quatre évangiles n'ont vraisemblablement jamais été écrits pour être réunis sous la même couverture (ce qui explique en partie les emprunts, parfois nombreux, opérés d'un livre à l'autre)

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[1] A noter que l'inverse est aussi possible (il s'agit de la thèse défendue par Saint Augustin, qui explique le classement des livres de la Bible : Mathieu, Marc, Luc, Jean). Cependant, cette théorie d'un Marc plus tardif serait illogique, dans la mesure où ce dernier, comme nous l'avons vu plus tôt, est plus inspiré par la tradition judaïque, son évangile étant rédigé dans un style plus archaïque.

[2] En effet, Marc ne figure pas sur la liste des apôtres, présentée dans plusieurs évangiles.

[3] A noter toutefois que certains chercheurs refusent la théorie d'une rédaction à Rome, évoquant d'autres lieux (Judée, Syrie, Palestine, etc.).

[4] Le récit des Actes des apôtres revient entre autres sur les débuts de l'Eglise primitive.

[5] Paul ne faisait donc pas partie des douze apôtres, mais revendiqua néanmoins ce titre. 

[6] Dans l'Antiquité, le titre de presbytre était donné à l'ancien responsable d'une communauté chrétienne.

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