L'Assomption |
De nos jours, beaucoup ne comprennent pas pourquoi l'Etat a décidé
de faire du 15 août un jour férié, alors qu'il tombe en plein milieu
des vacances estivales ! Rappelons tout de même que c'est à cette
date qu'est célébrée l'Assomption, et qu'en France, pendant
plusieurs décennies, la fête nationale n'était pas fêtée le 14
juillet, mais bien le 15 août !
Mais qu'est ce que l'Assomption ? Selon les catholiques et les
orthodoxes, ce terme désigne la montée aux cieux de la Vierge Marie.
Toutefois, si l'Eglise romaine emploie le terme
d'Assomption, les orthodoxes, au contraire, préfèrent parler de
Dormition. Ces derniers rappellent ainsi que Marie monta aux
cieux dans son enveloppe charnelle, mais bel et bien suite à son
décès.
Autre motif de divergence, le pape Pie XII érigea
l'Assomption en dogme au cours du mois de novembre 1950, rappelant
que Marie avait été élevée aux cieux vierge de tout pêché.
L'Assomption et la Dormition, deux termes employés pour désigner un
même évènement, sont néanmoins dotés de deux iconographies
radicalement différentes. Dans la tradition catholique tardive (en
haut à gauche), c'est une Marie radieuse et pleine de vie qui monte
aux cieux.
L'Assomption de la Vierge, par Guido RENI, 1637,
musée des beaux-arts de Lyon, Lyon.
Cependant, dans la tradition orthodoxe (ou catholique primitive),
lorsque la Vierge décède, c'est le Christ en personne qui vient
récupérer l'âme de sa mère (présentée sous la forme d'un
nouveau-né).
Copie en plâtre d'un chapiteau de
la basilique Notre-Dame-du-Port à Clermont-Ferrand, XII° siècle,
Cité de l'architecture, Paris.
La Dormition de la Vierge,
XVII° siècle, musée historique d'Héraklion, Crète .
De prime abord, il convient de préciser que la fête de l'Assomption,
à l'instar de nombreuses célébrations chrétiennes (comme la
saint
Valentin ou la
Nativité.),
tire vraisemblablement ses racines d'une cérémonie païenne. En
effet, l'on peut noter plusieurs ressemblances entre l'Assomption et
les mystères d'Eleusis, célébrés en l'honneur de la déesse
Déméter.
Cérès (l'équivalent romain de la déesse Déméter), XVI° siècle,
musée du Louvre, Paris.
Selon la mythologie grecque, cette divinité décida de parcourir le
monde à la recherche de sa fille Coré, ayant appris que cette
dernière avait été enlevée. Déesse des moissons, Déméter, lors de sa
quête, cessa de fertiliser la terre, provoquant une importante
famine. Un jour, elle passa incognito par la cité d'Eleusis, où elle
fut bien accueillie par les habitants. Afin de remercier ces
derniers de leur hospitalité, Déméter leur enseigna sa maîtrise de
l'agriculture, et les initia à ses mystères.
Par la suite, la déesse apprit que Coré avait été enlevée par Hadès,
et était détenue aux Enfers. S'entretenant avec Zeus,
les protagonistes parvinrent à trouver un accord : Coré était libre
de rejoindre sa mère, mais devait cependant séjourner aux Enfers
trois mois par an, sous le nom de Perséphone (au cours de ces
trois mois, Déméter ne fertilisait plus la terre. C’est ainsi que
les Grecs expliquaient le passage de l’été à l’hiver.).
L'on retrouve plusieurs éléments permettant de rattacher
l'Assomption aux mystères d'Eleusis. Marie, à l'instar de Déméter,
pleura la perte de son enfant, descendu aux Enfers ; la tradition
monastique impose un jeûne avant le 15 août, comme il y en avait un
avant l'initiation aux mystères d'Eleusis ; enfin, les deux femmes
ne partagent elle pas les mêmes attributs, à savoir la fertilité et
la vie ?
Les mystères d'Eleusis furent officiellement supprimés à la fin du
IV° siècle après Jésus Christ par l'Empereur romain Théodose.
Toutefois, il semblerait que le culte de Déméter ait survécu
jusqu'aux environs du VII° siècle, date à laquelle l'Empereur
byzantin Maurice
décida de célébrer l'Assomption le 15 août. L'objectif de ce
dernier était peut être de mettre en place une sorte de syncrétisme,
assimilant le culte de Déméter à celui de la Vierge Marie.
Les Empereurs Théodose (à gauche.) et Maurice (à droite.) .
A noter toutefois que la disparition de Marie n'est mentionné ni
dans la bible, ni dans les textes des premiers siècles de notre ère.
En Occident, ce fut
Grégoire de Tours, qui à la fin
du VI° siècle fut le premier à mentionner les derniers jours de
Marie, s'appuyant sur des textes (peut être en provenance d'Egypte
?) datant du siècle précédent.
La Vierge, sentant ses derniers jours arriver, reçut alors la visite
des apôtres, revenus des différents endroits où ils étaient aller
prêcher. A la mort de Marie, Jésus apparut afin de recevoir l'âme de
sa mère, et la défunte fut inhumée au pied du mont des Oliviers.
Quelques jours plus tard, le Christ apparut de nouveau, emportant le
corps de la Vierge au paradis.
Mais, selon un autre texte, Marie se serait réfugiée à Ephèse, en
compagnie de l'apôtre Jean, suite à la mort de Jésus
(l'objectif était de se mettre à l'abri des persécutions.). C'est
donc dans cette cité, et non à Jérusalem, que l'Assomption aurait
eut lieu.
La Dormition, fêtée en Orient dès le règne de l'Empereur Maurice, au
VI° siècle après Jésus Christ, ne fut célébrée à Rome qu'à partir du
siècle suivant, à l'instigation du pape Théodore (à l'origine
fêtée sous son nom grec, ce n'est qu'au cours du VIII° siècle que le
Saint Siège décida d'employer le terme d'Assomption.).
Au cours des décennies qui suivirent, cette célébration se répandit
partout en Europe. Le 15 août, jour de la célébration de
l'Assomption, est ainsi chômé dans de nombreux pays de tradition
catholique (France, Italie, Portugal, Pologne, Autriche, etc.). Les
pays traditionnellement protestants, comme l'Angleterre, l'Allemagne
et les Etats Unis, ne reconnaissent pas cet évènement.
En France, Napoléon I° décida en 1806 que le 15 août serait
célébrée la Saint Napoléon. S'inspirant d'un personnage
historique à l'existence contestée (Saint Neopolis aurait été
un martyr vivant au IV° siècle après Jésus Christ.), l'objectif de
l'Empereur était d'opérer une sorte de syncrétisme entre une fête
religieuse, l'Assomption, et une célébration étatique, la Saint
Napoléon.
C'est ainsi que la fête nationale, du moins jusqu'en 1815, fut
célébrée le 15 août.
Evidemment abandonnée lors de la Restauration, la Saint Napoléon ne
fut célébrée que par les milieux bonapartistes, nostalgiques de
l'Empire. En 1852, devenu Empereur suite à un coup d'Etat,
Napoléon III
décida d'instituer cette fête par décret.
Festivité aussi bien laïque que chrétienne, le 15 août resta la fête
nationale jusqu'en 1870, date de l'entrée en guerre contre la
Prusse. Suite à ce conflit désastreux pour la France, la république
fut proclamée, et la Saint Napoléon disparut pour de bon.
Les nouveaux dirigeants, aussi hostiles à l'Empire qu'à l'Eglise,
décidèrent en mai 1880 que la fête nationale serait désormais fêtée
le 14 juillet .
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