Faux ! En réalité, le 14 juillet de chaque année,
nous célébrons la fête de la Fédération, cet évènement marquant lui
même le premier anniversaire de la prise de la Bastille. A noter que pendant
tout le XIX° siècle, la fête nationale avait lieu le 15 août ;
ce n'est qu'en 1880 que les républicains décidèrent de choisir le 14 juillet
(ces derniers considéraient que la fête de la Fédération était un évènement
plus fédérateur et moins sanglant que la prise de la Bastille.)
.
L
a fête de la
Fédération, le 14 juillet 1790, par DUBOIS, fin du XVIII° siècle, musée Carnavalet, Paris.
Mais revenons un peu sur les évènements qui se déroulèrent le 14 juillet
1789, la plume des républicains du XIX° siècle, dans un souci de propagande,
ayant peu à peu transformé le récit des évènement en une série de
contre-vérités historiques.
En juillet 1789, les Parisiens étaient relativement agités. Necker,
principal ministre de Louis XVI, fut renvoyé le 12. Ce dernier étant
apprécié par le peuple, l'annonce du renvoi fut mal accepté par les gens de
Paris.
Le lendemain, le prévôt des marchands[1],
Jacques de Flesselles,
décida d'organiser une milice urbaine de 48 000 hommes. Tentant de trouver
des armes, les miliciens de se dirigèrent alors vers les Invalides. Leur
demande fut toutefois rejetée.
Le matin du 14 juillet, les émeutiers décidèrent
de s'emparer par la force des armes se trouvant aux Invalides. Non loin de
là se trouvaient plusieurs régiments d'infanterie, de cavalerie et
d'artillerie. Les soldats n'intervinrent pas, refusant de réprimer les
émeutiers.
Les Parisiens, désormais armés, apprirent alors
qu'il y avait de la poudre et des balles à la Bastille. Se mettant en
marche, les miliciens arrivèrent bientôt sous les murs de la forteresse.
A noter toutefois que la Bastille n'était pas une
prison royale (il y passait en moyenne moins de 40 prisonniers par an.), que
les lettres de cachet devaient comporter un motif et une durée de peine
(depuis 1786 et l'action du baron Louis Auguste Le Tonnelier de Breteuil,
ministre du roi, ces lettres étaient moins utilisées qu'au cours des
décennies précédentes[2]),
et que l'Etat souhaitait détruire cette forteresse médiévale depuis
maintenant bien des années (les coûts d'entretien de l'édifice étaient trop
importants par rapport au nombre de prisonniers.).
Maquette de la Bastille,
musée des Archives Nationales, Paris.
Les miliciens, arrivés devant la Bastille,
demandèrent à rencontrer le gouverneur de la forteresse, le marquis
Bernard René Jordan de Launay.
Ce dernier était à la tête d'une centaine d'hommes, soit 82 vétérans et 32
gardes suisses.
La délégation fut accueillie avec respect, mais
repartit néanmoins bredouille. Peu avant midi, une seconde délégation se
présenta sous les murs de la Bastille, mais n'obtint rien non plus.
Ce fut en début d'après midi que les esprits
commencèrent à s'échauffer. En effet, quelques miliciens, armés de haches,
parvinrent à couper les chaînes du pont levis. Le gouverneur de la Bastille,
s'apercevant de la situation, ordonna alors à ses hommes de tirer sur les
insurgés.
Afin de calmer le jeu, deux nouvelles délégations
se présentèrent devant le marquis de Launay, mais ce dernier refusa de céder
à leurs exigences.
Vers 16 heures, une soixantaine de militaires
appartenant aux Gardes Françaises[3]se présentèrent devant la Bastille, rejoignant les émeutiers. Les
nouveaux venus apportaient avec eux plusieurs canons, qu'ils mirent en
batterie face à la porte principale de la forteresse.
Peu de temps après, Launay décida de capituler,
contre la promesse qu'il ne serait fait aucun mal à ses hommes.
Immédiatement, les émeutiers pénétrèrent dans l'édifice, s'emparant de la
poudre et des balles (les pillards se tirèrent alors les uns sur les autres,
ce qui entraina la mort de plusieurs d'entre eux.).
La prise de la Bastille, le 14
juillet 1789, par DUBOIS, fin du XVIII° siècle, musée Carnavalet, Paris.
Les prisonniers qui étaient emprisonnés à la
Bastille, "victimes du despotisme" comme l'affirmèrent certains auteurs,
furent alors remis en liberté[4].
Ils étaient au nombre de sept : quatre faussaires (ayant escroqué des
banquiers parisiens, ils furent ré-emprisonnés dès le lendemain.), deux fous
(ils furent rapidement transférés dans un asile, où ils furent
vraisemblablement moins bien traités qu'à la Bastille.) et un aristocrate
enfermé là en raison de ses perversions sexuelles notoires. L'on n'y
retrouva pas non plus, contrairement à la légende, les restes du prisonnier
au masque de fer, homme mystère ayant attisé passions et fantasmes depuis
plus d'un siècle.
Dans une pièce de la forteresse, les émeutiers
trouvèrent se qui fut décrit par la propagande républicaine comme de
véritables instruments de torture : un "corselet de fer", contraignant la
victime à l'immobilité, ainsi qu'une "machine destructive", dont le
fonctionnement resta un mystère. En réalité, il s'agissait d'une vieille
armure et d'une imprimerie clandestine, confisquée quelques années
auparavant.
Presse typographique à deux coups (modèle au 1/3), XVIII° siècle, musée des
Arts & Métiers, Paris.
Les archives de la police de Paris furent pillées
elles aussi, et les autorités eurent bien du mal, suite à l'évènement, à
récupérer tous les documents perdus le 14 juillet.
La garnison de la Bastille, prisonnière, fut
emmenée à l'Hôtel de Ville. Sur le chemin, le marquis de Launay fut
assassiné[5],
et sa tête plantée au bout d'une pique. Plusieurs soldats ayant défendu la
Bastille furent exécutés, ainsi que Jacques de Flesselles, le prévôt des
marchands, accusé de traîtrise.
Les insurgés, au soir du 14 juillet, avaient perdu
une centaine d'hommes, que ce soit lors des combats ou lors du pillage de la
Bastille.
M. de Launay, gouverneur de la
Bastille, capturé par les assaillants, le 14 juillet 1789,
par Charles THEVENIN, fin du XVIII° siècle, musée Carnavalet, Paris.
Louis XVI, ignorant les évènements qui s'étaient
déroulés ce jour là, écrivit dans son journal intime : 14 juillet - Rien.
Pierre François Palloy, un entrepreneur de
travaux, fut alors chargé de démolir la Bastille suite aux évènements du 14
juillet 1789.
La Bastille dans les premiers jours
de sa démolition, par
Hubert ROBERT, fin du XVIII° siècle, musée Carnavalet, Paris.
Ce dernier parvint à amasser une petite fortune en revendant
des pierres et des maquettes de la bastille. Il fit en outre confectionner
des médailles patriotiques avec les chaînes des prisonniers. Lors de la
Restauration, il reçut la décoration de l'Ordre du Lys.
Pierre François Palloy, par A. DONCHERY,
fin du XVIII° siècle, musée Carnavalet, Paris (à gauche) ; stèle taillé dans une pierre de la
Bastille, 1789, musée des Invalides, Paris (à droite).
Quelques mois après les évènements, au cours de
l'année 1790, une liste fut mise à disposition des Parisiens, l'objectif
étant de recenser les vainqueurs de la Bastille. La liste finale comporta
moins d'un millier de noms (certains profiteurs s'étaient inscrits, bien que
n'ayant pas participé aux évènements ; d'autres avaient déjà été exécutés en
raison de leurs débordements.).
Diplôme de vainqueur de la Bastille,
fin du XVIII° siècle, musée Carnavalet, Paris.
François René de Chateaubriand écrivit dans
un de ses ouvrages, publié en 1848 : Que de fois j'ai manqué ma
fortune ! Si, moi, spectateur, je me fusse inscrit sur le registre des
vainqueurs, j'aurais une pension aujourd'hui.
Cet auteur, bien que royaliste et portant donc un
regard critique sur la prise de la Bastille, relate une certaine vérité. En
effet, les vainqueurs de la Bastille ne cessèrent de quémander pensions et
faveurs, que ce soit sous l'Empire, sous la Restauration, ou sous la seconde
république (soit près de 60 ans après les faits.).
[1]
Le prévôt des marchands avait comme tâche de
contrôler le commerce parisien. Son poste était plus ou moins similaire à celui
d'un maire d'aujourd'hui.
[2] Entre 1786 et 1789,
l'on estime qu'une grosse dizaine de lettres de cachet étaient
écrites chaque années. A noter en outre que certains embastillés,
reconnus victimes d'une erreur judiciaire, furent indemnisés par
l'Etat.
[3] Les Gardes
Françaises furent créées en 1563, afin d'assurer la protection du
roi de France Charles IX. Ce régiment, ayant comme objectif
de protéger le souverain, résidait à l'intérieur des murs de la
capitale. Ce qui explique les liens qui unissait ces militaires au
peuple de Paris.
[4] Certaines
sources affirment que les clefs de la Bastille furent présentées à
la foule avant d'ouvrir les cellules. Ces dernières auraient alors
été défoncées par les émeutiers afin de libérer les prisonniers.
[5] C'est un
garçon cuisinier, habitué à découper les viandes, qui l'aurait
décapité à l'aide de son canif.