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Les mensonges de l'Histoire


Les Etats-Unis d'Amérique, premier pays décolonisé

Voici la définition que donne le dictionnaire Le Petit Robert (édition 1990) au mot « décolonisation » : nom féminin (1952 ; de dé-, et colonisation). Cessation pour un pays de l'Etat de colonie ; processus par lequel une colonie devient indépendante (voir indépendance). Par extension (1963). Libération de groupes humains ou de secteurs socio-économiques tenus pour exploités de façon coloniale.

Ce mot, stricto sensu, est donc utilisé pour désigner l'accès à l'indépendance d'une colonie ; mais le terme « décolonisation », au sens où on l'entend aujourd'hui, correspond plutôt à l'action de libérer un peuple indigène du joug d'un pays colonial.

Extrait de l'album "Tintin au Congo" (première édition).

 

Le continent américain, découvert par Christophe Colomb en 1492, reçut toutefois le nom de l'explorateur italien Amerigo Vespucci[1]. L'Amérique du sud, partagée entre l'Espagne et le Portugal lors du traité de traité de Tordesillas (qui fixait la frontière entre les deux royaumes sur le 46° méridien ouest, c'est-à-dire la côte littorale du Brésil), fut rapidement colonisée par ces deux royaumes.

Cependant, en raison du choc microbien et des exactions perpétrées contre les Amérindiens, le continent sud-américain perdit la moitié de sa population en l'espace d'un siècle, le taux de perte atteignant 90% dans certaines régions[2].

En effet, les colons espagnols, lors de leur arrivée sur le Nouveau-Monde, apportèrent avec eux de nombreux microbes inconnus des populations autochtones : choléra, grippe, rougeole, tuberculose, variole, etc. Ces virus, se répandant rapidement dans le continent américain, fit d'importantes victimes, car les indigènes, contrairement aux Européens, ne disposaient pas d'anticorps adaptés (l'épidémie fut telle que les tribus de la région du Mississipi auraient disparu avant même l'arrivée des colons).

L'esclavage des Amérindiens par les colons espagnols, XVI° siècle.

 

La colonisation de l'Amérique du nord fut plus tardive. En 1510, les Espagnols s'attaquèrent à l'Empire aztèque, qui régnait sur le Mexique actuel, découvrant la Californie vers 1540.

Côté français, l'explorateur Jacques Cartier entreprit la colonisation de la vallée du Saint-Laurent à compter de 1543, donnant naissance à la Nouvelle-France. Québec fut fondée en 1608, date à laquelle Samuel de Champlain entreprit d'explorer la région des grands lacs. Plus tard, dans la seconde moitié du XVII° siècle, l'explorateur René Robert Cavelier de La Salle fonda la Louisiane dans la région du Mississipi.

Les Britanniques, qui se lancèrent dans la colonisation du continent américain avec un siècle de retard, commencèrent à s'implanter sur la côte atlantique au début du XVII° siècle.

 

Dans un premier temps, les colons anglais furent contraints de faire face aux Néerlandais, qui s'étaient eux-aussi installés sur la côte est du continent américain au début du XVII° siècle. Cependant, les Britanniques ne tardèrent pas à l'emporter, envahissant la Nouvelle-Néerlande en 1664. Ces territoires furent officiellement cédés par les Provinces-Unies trois ans plus tard (c'est ainsi que la Nouvelle-Amsterdam, fondée en 1626, fut rebaptisée New-York).

En 1732, l'Angleterre était à la tête de treize colonies sur la côte atlantique. Toutefois, les colons ne pouvaient s'étendre à l'ouest, car la vallée du Mississipi était sous contrôle français.

A l'issue de la guerre de Sept Ans[3], en 1763, la France fut contrainte de céder le Canada et la Louisiane à l'Angleterre. Cependant, le souverain britannique Georges III rédigea la proclamation royale l'année suivante, prévoyant de céder aux Amérindiens les nouveaux territoires situés à l'ouest des treize colonies.

Le continent nord-américain en 1755.

Ce traité, qui ne plaisait guère aux colons, fut suivi de dix années de lois coercitives, qui désagrégèrent peu à peu les relations entre les treize colonies et la métropole (à noter que les finances de l’Angleterre, à l'issue de la guerre de sept ans, étaient au plus mal, alors que le continent nord-américain connaissait une vive croissance économique).

Le continent nord-américain en 1776.

Parmi ces lois, l'on compte le Sugar Act (avril 1764), ou "loi sur le sucre", maintenant les taxes sur le sucre importé[4], mais étendant ces dernières à d’autres produits (vins, cafés, piments, etc.) ; le Stamp Act (1765), ou "loi sur le timbre", établissant qu'un timbre fiscal était dorénavant obligatoire pour une série de documents (textes officiels, journaux, testaments, jeux de cartes, livres, etc.) ; le Quartering Act (mars 1765), ou "loi sur le cantonnement des troupes", prévoyant que les soldats britanniques devaient être logés chez l'habitant ; les Townshend Acts[5] (1767), prévoyant la mise en place de taxes sur les produits importés dans les treize colonies (thé, papier, verre, peinture, etc.) ; le Tea Act (1773), ou "loi sur le thé", accordant le monopole de la vente du thé à la Compagnie anglaise des Indes orientales ; l'Impartial Administration of Justice Act (1774), ou "loi sur l’administration de la justice", stipulant que les gouverneurs des treize colonies seraient nommés par le roi ; et le Quebec Act (1774), cédant la région des grands lacs à la colonie du Québec.

Peu à peu, les colons mécontents de la tutelle britannique se regroupèrent, donnant naissance au mouvement des Sons of Liberty ("fils de la liberté"). Ces derniers en appelèrent au boycott des produits anglais, rappelant que le Parlement de Londres était en pleine inégalité car il imposait des taxes à un peuple n’ayant pas de représentation politique sur le continent[6].

Mécontentement des colons américains suite à la promulgation du Stamp Act, illustration issue de l'ouvrage History of the United States, par Benjamin ANDREWS, Etats Unis, 1912.

 

La guerre d'indépendance américaine débuta en 1775, lorsque le général Thomas Gage, commandant en chef de l’armée britannique en Amérique du nord, fut chargé d’occuper Boston et de pacifier la colonie du Massachusetts.

Ce dernier, soucieux d'arrêter les chefs de la résistance, fut cependant repoussé par les patriotes, qui attaquèrent les Britanniques lors de la bataille de Lexington & Concord. Suite à leur victoire, les insurgés, de plus en plus nombreux, entreprirent d'assiéger Boston.

La bataille de Lexington & Concord.

C'est à cette date que se réunirent les députés des treize colonies, lors du Second Congrès Continental, tenu à Philadelphie[7]. Ces derniers décidèrent de la création d'une armée continentale, dirigée par George Washington[8], mais aussi d'une marine américaine, puis commencèrent à travailler sur un projet de constitution. Finalement, la déclaration d’indépendance fut proclamée le 4 juillet 1776.

Washington, qui s'était emparé de Boston en mars 1776, décida de marcher sur New York. Cependant, une nouvelle armée britannique, arrivant du Canada et commandée par le général anglais John Burgoyne, franchit la frontière américaine au printemps 1777. Remportant plusieurs succès, ce contingent fut toutefois vaincu lors de la bataille de Saratoga, affrontement qui dura un mois, de septembre à octobre 1777.

La capitulation de Burgoyne.

Cependant, si Burgoyne était hors d'état de nuire, le général William Howe, qui avait remplacé Thomas Gage, lança une expédition contre Philadelphie à l'été 1777. Ce dernier, parvenant à prendre la ville courant septembre, entreprit de consolider ses possessions dans la région. Toutefois, alors que Washington avait tenté en vain de reprendre Philadelphie, la cité fut évacuée au printemps par Henry Clinton (qui avait succédé à Howe), craignant une offensive de la marine française (Louis XVI avait décidé de prendre part au conflit en début d'année 1778).

En décembre 1779, Henry Clinton décida de quitter New York pour rejoindre Savannah, qui pendant l'année avait été attaquée par les contingents franco-américains. S'emparant de Charleston, en Caroline, au printemps 1780, Clinton décida peu après de retourner à New York, chargeant Charles Cornwallis de poursuivre l'offensive.

Le siège de Charleston.

Les insurgés, moins nombreux et moins bien entraînés que les Britanniques, décidèrent alors d'instaurer une stratégie de guérilla, harcelant l'ennemi. Cornwallis, quittant la Caroline pour attaquer les rebelles de Virginie, s'installa à Yorktown à l'automne 1781. Mais les Américains, bénéficiant de l'appui des Français, armés de canons et de mortiers, harcelèrent la position ennemie. Finalement, Cornwallis fut contraint de déposer les armes, en octobre 1781.

La capitulation de Cornwallis à Yorktown, Le Monde Illustré, N° 1284, 5 novembre 1881.

Clinton, qui n'avait pu venir au secours de Cornwallis, car immobilisé par la marine française, n'évacua la cité qu'à l'automne 1783, suite à la signature du traité de Paris, qui mit fin à la guerre.

Le continent nord-américain en 1803.

 

Toutefois, s'il est correct de dire que les futurs Etats-Unis d'Amérique furent le premier pays à obtenir son indépendance à l'époque moderne, l'on ne peut guère présenter les colons américains comme un peuple indigène libéré du joug d'un envahisseur étranger[9].

Ainsi, quid des Amérindiens, qui furent, en réalité, les premiers à souffrir de la colonisation européenne ?

Ces derniers, qui étaient entre sept et dix millions à peupler le continent nord-américain au début du XV° siècle, n'étaient plus que 100 000 à l'époque de la guerre d'indépendance. Les Amérindiens, à l'instar de leurs cousins du sud, avaient eux-aussi souffert du choc microbien, des rivalités entres tribus rivales, mais aussi des conflits contre les colons.

Les colons, toujours plus nombreux (ils étaient 2.5 millions en 1783, puis 4 millions dès 1790), constituaient une menace pour les Amérindiens. Cependant, à l'issue de la guerre d'indépendance, l’Angleterre, sortant perdante du conflit, fut contrainte de céder aux Treize colonies la région des grands lacs (qui constituait la moitié sud de la province de Québec depuis le Quebec Act de 1774.), ainsi que les territoires à l’est du Mississipi (qui avaient été cédés aux Amérindiens suite à la proclamation royale d’octobre 1763).

Les tribus indiennes, souffrant de la disparition des bisons[10], furent déportés à l'ouest du Mississipi sous la contrainte (adoption de l'Indian Removal Act, ou "loi de déplacement des Indiens", en 1830), contraints de s'installer dans des réserves. En 1871, le gouvernement américain adopta l'Indian Appropriation Act (ou "loi d'appropriation indienne") mettant fin aux traités signés avec les tribus amérindiennes, ne reconnaissant plus les nations indigènes mais seulement les individus ; enfin, en 1887, le gouvernement vota le General Allotment Act (ou "loi sur le lotissement général"), autorisant la vente en petites parcelles des territoires sur lesquels les Amérindiens avaient été déportés.

La déportation des Cherokees (hiver 1839).

Pile géante de crânes de bisons, fin du XIX° siècle.

Ce n'est qu'à compter du XX° siècle que la situation des Amérindiens commença à s'améliorer : ainsi, ces derniers bénéficièrent de la citoyenneté américaine en 1924 ; l'Indian Reorganization Act (ou "loi sur la réorganisation indienne"), adoptée en 1934, abrogeait le General Allotment Act et reconnaissait l'autonomie des tribus ; en 1978, le gouvernement adopta l'American Indian Religion Freedom Act (ou "loi de liberté religieuse des Indiens d'Amérique"), garantissant le droit de culte des Amérindiens ; enfin, en 1988, les tribus indiennes obtinrent l'autorisation d'ériger des établissement de jeux dans leurs réserves, ce qui leur permit de récolter de très importantes sommes d'argent.

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Au final, les Amérindiens n'ayant jamais réussi à chasser les colons européens et à obtenir leur indépendance, force est de constater que l'on ne peut guère parler, dans ce cas, de décolonisation du continent nord-américain.  

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[1] Contrairement à Colomb, qui resta persuadé jusqu'à sa mort d'avoir découvert les Indes, Vespucci parvint à démontrer que le continent américain était en fait un nouveau monde. Pour en savoir plus sur ce personnage, cliquez ici

[2] Les historiens manquant de sources concernant la démographie de cette époque, il est aujourd'hui très difficile d'estimer le nombre d'habitants en Amérique avant et après l'arrivée des colons. Toutefois, selon les estimations les plus vraisemblables, le continent américain aurait abrité près de 50 millions d'habitants au début du XVI° siècle : 7 millions en Amérique du nord, 18 millions dans l'Empire aztèque, 5 millions en Amérique centrale, 12 millions dans l'Empire inca, 4 millions au Brésil, et 5 millions dans les Caraïbes. Pour pouvez retrouver un article consacré au choc microbien dans Les mensonges de l'Histoire, mon premier ouvrage, publié aux éditions l'Harmattan !

[3] En 1756, le roi de Prusse Frédéric II signa un traité d'alliance avec l'Angleterre ; la même année, la France répliqua en se rapprochant de l'Autriche, ce qui déclencha la guerre de Sept Ans. Ce conflit, opposant principalement la France à Angleterre ainsi que l’Autriche à la Prusse, se déroula sur trois théâtres d’opérations distincts : en Europe, en Amérique du nord et en Asie. La guerre de Sept Ans s'acheva sur une défaite française, Louis XV étant contraint de céder le Canada, la Louisiane, et plusieurs comptoirs d'Inde à l'Angleterre ;  Frédéric II, quant à lui, ayant cumulé les revers, se contenta de sauvegarder les territoires acquis aux dépends de l'Autriche en 1748. Pour en savoir plus sur ce conflit, cliquez ici.

[4] Les taxes sur le sucre apparurent suite à la promulgation du Sugar and Molasses Act, en 1733. La loi prévoyait une taxe sur les produits sucriers importés dans les treize colonies (le sucre français, produit dans les Caraïbes, était à l’époque très prisé par les colons car peu onéreux.). Cette loi ne fut toutefois guère appliquée.

[5] Ou "lois Townshend" en français, du nom de Charles Townshend, chancelier de l’échiquier (cette charge était similaire à celle d’un ministre des finances aujourd’hui).

[6] Georges III répliqua en mars 1766, en promulguant le Declaratory Act ("loi déclaratoire"), rappelant que le Parlement de Londres avait toute autorité pour imposer des lois aux Treize colonies.

[7] Un premier congrès s'était réuni en septembre 1774, à une époque où les députés hésitaient entre l'indépendance et la fidélité envers l'Angleterre.

[8] Washington était un planteur virginien, qui avait combattu les Français lors de la guerre de Sept Ans (pour en savoir plus à ce sujet, voir le a), 3, section VI, chapitre quatrième, les Bourbons.). Il fut le premier président des Etats Unis.

[9] D'autant qu'à l'issue de la guerre d'indépendance, les Américains refusèrent d'établir des relations commerciales privilégiées avec la France, préférant continuer à échanger avec Londres.

[10] Les Amérindiens utilisaient le bison pour sa peau, sa graisse et sa viande. Cependant, le massacre de ces animaux fut organisée par le gouvernement américain afin d'affaiblir et de déstabiliser les tribus indiennes. Ainsi, alors que l'on comptait plus de 50 millions de bisons en 1800, il n'en restait plus qu'un millier à la fin du XIX° siècle.

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