,
instauré en janvier 1800
(nivôse an VIII selon le calendrier révolutionnaire) et mettant un
terme à la Révolution française, était de restaurer des
relations cordiales avec l'Eglise catholique (d'autant que le clergé
français était divisé entre jureurs et réfractaires
depuis 1790, date de l'adoption de la constitution civile du
clergé[2]).
Napoléon Bonaparte, nommé premier consul suite au
coup d'Etat du 18 brumaire
(novembre 1799), décida alors de mettre en place des
négociations avec le pape Pie VII.
Bonaparte premier consul, par François GERARD, XIX° siècle,
château de Chantilly, Chantilly (à gauche) ; le pape Pie VII, début du XIX° siècle, château de Fontainebleau,
Fontainebleau (à droite).
C’est ainsi que fut signé le Concordat, le 15 juillet 1801 (26
messidor an IX), autorisant la libre célébration de la religion catholique
en France.
Toutefois, afin de mettre un terme aux troubles, il fut décidé que les évêques et prêtres en activité (jureurs comme réfractaires)
devaient présenter leur démission, afin de mettre en place un nouveau clergé
Toutefois, l’Eglise devait abandonner les bien ecclésiastiques confisqués
lors de la Révolution française (Comtat Venaissin y compris[4])
; les prêtres étaient toujours payés par l’Etat ; devaient prêter serment de
fidélité au gouvernement ; enfin, une prière pour la république devait être dite
à la fin de chaque messe.
Enfin, les évêques étaient nommés par Paris, puis recevaient l’investiture
par Rome.
A
noter toutefois que le Concordat ne faisait pas du catholicisme la religion
officielle de France, bien que les catholiques représentent au début du XIX°
siècle la grande majorité des fidèles (un peu moins de 30 millions contre
600 000 protestants et 40 000 juifs.).
Si le concordat
resta en application pendant plus d'un siècle, il fut remis en
question à la fin du XIX° siècle, alors que le personnel politique
de la troisième république était animé d'un fort courant
anticlérical[5]
(fermeture des écoles catholiques, suppression des signes religieux,
etc.).
A la mort de
Léon XIII, pape libéral[6],
lui succéda
Pie X, bien plus conservateur (été 1903). Très rapidement, les relations diplomatiques se dégradèrent entre Paris et le Vatican.
Emile Combes[7],
président du conseil[8]
depuis 1902, adopta une série de mesures vexatoires (suppression des crucifix dans
les tribunaux ; refus de ratifier les nouveaux
évêques choisis par Rome ; interdiction au ecclésiastiques de se présenter
au concours de l'agrégation).
Le pape Pie X (à gauche) ;
Emile Combes (à droite).
Puis, au printemps
1904, Pie X ayant protesté contre la visite d’Emile
Loubet à Rome, venu rencontrer le roi d’Italie Victor Emmanuel III[9],
le président du conseil décida de mettre un terme aux relations diplomatiques entre la
France et le Vatican.
Si le Concordat
permettait à l'Etat de contrôler le clergé, l'accord n'était-il pas
devenu archaïque maintenant que les relations
avec le Vatican étant rompues ?
Le ministère Combes fut renversé en
janvier 1905, date à laquelle Maurice Rouvier[10]
fut nommé président du conseil. Combes ayant mis en place une
commission, chargée de réfléchir au bien fondé d’une séparation de
l’Eglise et de l’Etat, cette dernière fut prorogée par Rouvier. Un
premier projet de loi, déposé à la Chambre des députés en mars 1905,
fut l'objet de débats acharnés : en effet, si la majorité des
députés étaient favorables à la séparation, il fallait toutefois
négocier les termes du partage des biens ecclésiastiques
(l’extrême-gauche souhaitait faire main basse sur les biens du
clergé, alors qu'à droite les députés refusaient une dislocation de
l’Eglise).
Finalement, après plusieurs mois de discussions, la
loi de séparation de
l’Eglise et de l’Etat fut votée par le Sénat et la Chambre des députés le 6
décembre 1905.
L'article I
garantissait la liberté de conscience et la liberté de culte, dans
la mesure où il n'était pas fait atteinte à l'ordre public;
toutefois, l'article II mentionnait que la république ne reconnait,
ne salarie ni ne subventionne aucun culte.
Dès lors, l’Etat ne rémunérait plus les prêtres et perdait son droit de veto
sur la nomination des évêques ; églises et cathédrales étaient rattachées au ministère des Beaux-arts, chargé de leur entretien et de leur
restauration ; enfin, les biens du clergé devaient être distribués à des associations
cultuelles[11]
(cependant, ces dernières devaient être étroitement surveillées afin d’éviter que
les bien de l’Eglise ne soit envoyés à l’étranger).
Il convient
toutefois de préciser qu'en 1905, la troisième république était
amputée de l'Alsace et de la Moselle, conformément au traité de
Francfort, signé entre la France et la Prusse en mai 1871, mettant
un terme à la guerre de 1870[12].
Ainsi, ces
départements ne furent pas concernés par la loi de séparation de
l'Eglise et de l'Etat, continuant à vivre sous le régime du
Concordat.
Après la première
guerre mondiale, la France récupéra l'Alsace et la Moselle, les
partis de gauche se prononçant en faveur de l'application de la loi
de 1905 dans ces départements. Toutefois, de nombreux députés
craignant un risque de sécession, le Concordat de 1801 resta en
vigueur en Alsace et Moselle.
Le Concordat
d'Alsace-Moselle n'est donc pas d'origine allemande, mais bien
d'origine française, instauré à l'initiative de Napoléon.
[1]
La constitution de l'an
VIII, instaurant le Consulat, prévoyait un partage du
pouvoir exécutif entre trois consuls (même si dans les faits,
Bonaparte prit rapidement l'ascendant sur ses confrères).
Le pouvoir législatif, quant à lui, était partagé par trois
chambres : le Tribunat, composé
de cent membres, discutait des projets de loi sans les voter ; le Conseil
législatif, composé de 300 membres, votait les lois sans les
discuter. Enfin, le Sénat conservateur, composé de 80 membres (60
nommés par Bonaparte et 20 choisis par les assemblées.), avait comme
objectif de maintenir la constitution de l’an VIII (en cassant les décrets
jugés anticonstitutionnels).
[2]
La constitution civile du clergé prévoyait l'élection des prêtres et
des évêques par le peuple, ainsi que leur rémunération par l'Etat. Il fut en
outre décidé que les prêtres devraient prêter serment à la nation, à la loi,
au roi, à l'issue de chaque messe. Le traité étant dénoncé par le pape
Pie VI, le clergé se divisa donc en jureurs, favorables au serment, et
réfractaires, lui étant hostile. L'on estime que la grande majorité des évêques
refusèrent de prêter serment (ces derniers étaient souvent issus de la
noblesse), contre 50% des prêtres (souvent issus des régions rurales, comme en
Bretagne).
[3]
A noter qu’une quarantaine d’évêques réfractaires refusèrent de
démissionner, donnant naissance à la Petite Eglise. Ce
mouvement, particulièrement mineur aujourd’hui (moins de 5 000
fidèles.), est implanté en Vendée, dans la région lyonnaise, en
Bourgogne et en Belgique. Les messes de la Petite Eglise sont
semblables à celles de l’Ancien régime.
[4]
Rappelons qu'Avignon avait été annexée par les révolutionnaires en septembre
1791.
Voir à ce sujet le a), 2, section III, chapitre troisième, la
Révolution française.
[5]
Rappelons qu'à cette époque, une partie des catholiques,
monarchistes, étaient hostiles à la troisième république. Ainsi, l'on estime que
les tensions entre chrétiens et républicains ne prirent fin qu'à l'issue de la
première guerre mondiale, qui fut le conflit le plus meurtrier de l'histoire de
France. Pour en savoir plus à ce sujet,
cliquez ici.
[6]
Léon XIII s'était prononcé en faveur de la république française,
souhaitant empêcher l’extrême-gauche anticléricale de gouverner
seule.
[7]
Emile Combes, né en septembre 1835 au sein d’une famille aisé,
obtint son diplôme de médecine en 1868. Elu maire de Pons en 1876,
puis sénateur en 1885, il siégea sur les bancs des radicaux (il
s'agissait d'un parti de gauche).
[8]
La charge de président du conseil était équivalente à celle de
premier ministre. Toutefois, comme le président de la république
était moins puissant qu'aujourd'hui, le président du conseil était
véritablement le chef de l'Etat.
[9]
A noter que depuis 1870, le Saint Siège avait perdu sa domination
sur Rome, annexée par le royaume d’Italie.
[10]
Né en avril 1842, Rouvier fit des études de droit avant de
travailler dans le secteur bancaire. Sous le second Empire, il
participa à la rédaction de plusieurs journaux républicains. Elu
député en 1871 sur les bancs de l’Union républicaine (ce parti, à
l’origine radical, se fit de plus en plus modéré au fil des
années.), il fut nommé président du conseil en 1887, puis ministre
des Finances à plusieurs reprises jusqu’en 1893.
[11]
Il s’agissait d’un statut équivalent aux associations loi 1901, mais
exclusivement destiné à l’exercice d’un culte (à noter que
l’enseignement au sein des associations cultuelles était interdit.).