Nous avons tous la même image en tête : à l'issue
de la bataille de Marignan, livrée en septembre 1515, le jeune
François I° fut adoubé par Pierre Terrail, seigneur de Bayard,
vétéran des guerres d'Italie[1].
Cependant, si l'imagerie populaire s'est rapidement emparée de cet épisode,
ce dernier constitue t'il un fait historique ou pas ?
François I°, né en septembre 1494, monta sur le
trône en janvier 1515, âgé d'à peine vingt ans. Ce dernier, doté d'une
carrure colossale (il mesurait un peu moins de deux mètres, une taille
gigantesque pour l'époque) et d’une bonne forme physique, était un souverain
très chevaleresque et sensible aux valeurs du Moyen-âge.
Portrait de François I°, roi de France, par Jean CLOUET,
vers 1530, musée du Louvre, Paris.
Dès le début de son règne, le jeune homme décida
de se lancer dans la cinquième guerre d'Italie, soucieux de récupérer
le duché de Milan, qu'il considérait comme faisant partie de son héritage
(son prédécesseur et cousin, Louis XII, avait remporté ce fief en
1500[2],
puis l'avait perdu en 1513[3]).
Au
printemps 1515, les Français se préparèrent à franchir les Alpes, dont les
cols étaient défendus par l'armée suisse. Toutefois, François I° fit prendre
à ses troupes un nouvel itinéraire, réussissant à franchir la frontière
italienne sans difficultés. Au cours de l'été, le roi de France décida
d'entamer des négociations, ce qui entraîna le départ de plusieurs dizaines
de milliers de Suisses ; cependant, un grand nombre d'entre eux décidèrent
de rester en Italie afin de défendre le duché de Milan.
L'affrontement étant inévitable, les deux armées
se firent face en septembre 1515, lors de la
bataille de Marignan. Le combat, durant deux jours, fut incertain, mais
les Français remportèrent finalement la victoire suite à l'arrivée des Vénitiens, qui
attaquèrent les Suisses par l'arrière.
La bataille de Marignan,
par FRAGONARD, XIX° siècle, château de Versailles, Versailles.
C'est au soir de cette bataille, le 14
septembre 1515, que François I° aurait été adoubé par le chevalier Bayard.
François I° armé chevalier par Bayard,
par Alexandre-Evariste FRAGONARD, XIX° siècle, musée du Louvre, Paris.
Bayard, vétéran des guerres d'Italie, était déjà
une légende en 1515[4].
Il est donc logique que François I° lui ait demandé de l'armer chevalier.
Cependant, si le récit est beau, c'est parce qu'il fut élaboré en 1525,
alors que la royauté était en grande difficulté.
En effet,
François I° avait été fait prisonnier au cours de
la bataille de Pavie, en février 1525, au cours de la sixième
guerre d'Italie (en outre, Bayard avait trouvé la mort au combat en
1523). Le roi de France, restant prisonnier en Espagne pendant un an, fut
contraint de signer le traité de Madrid en janvier 1526, dans lequel il fut contraint de
prendre une série d'engagements : céder la Bourgogne à son rival Charles Quint,
l'Empereur germanique ; abandonner toute prétention sur Naples
et Milan ; livrer comme otages ses fils
François et Henri (le futur Henri II) ; etc.
La bataille de
Pavie, par Jacob DE GHEYN, 1614, Deutsches historisches museum, Berlin.
C'est dans ce contexte fort troublé qu'apparut le récit de l'adoubement de
François I° par Bayard, afin de redonner du lustre à une royauté qui en
manquait grandement. Par ailleurs, à la même époque, le récit de la bataille
de 1515 fut largement diffusé[5],
la propagande française arguant que la défaite de Pavie ne pouvait effacer
la gloire de Marignan.
C'est ainsi, qu'encore aujourd'hui, le fameux "1515 - Marignan" reste
toujours gravé dans l'inconscient populaire.
[1]
La première guerre d'Italie éclata en 1494, lorsque Charles VIII
se lança à l'assaut de Naples, ville qu'il considérait comme faisant partie de
son héritage (cliquez
ici). Cependant, cette expédition s'acheva sur un échec. A la
mort de son cousin, Louis XII décida de reprendre à son compte les
prétentions du défunt (voir
ici). Mais au fil des années, les guerres d'Italie se muèrent
progressivement en un théâtre des rivalités opposant la France au Saint
Empire romain germanique.
[2]Pour en savoir plus sur la deuxième guerre d’Italie,
cliquez ici.
[3]
Pour en savoir plus sur la quatrième guerre d’Italie,
cliquez ici.
[4] Parmi les
plus grands faits d'armes de Bayard, l'on peut se souvenir du combat
du pont du Garigliano, en 1503 (cliquez
ici).
[5]
Un récit duquel fut expurgé toute mention de l'aide apportée
par les troupes vénitiennes lors de la bataille.