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Les mensonges de l'Histoire


La Kaaba

La Kaaba, bâtiment cuboïde érigé à La Mecque, en Arabie Saoudite, est aujourd'hui considérée comme l'un des principaux sites sacrés de l'islam. Ainsi, la salât, la prière islamique, doit se faire en direction de la Kaaba ; le Hajj, quant à lui, est un pélerinage que les musulmans doivent accomplir à La Mecque au moins une fois dans leur vie. A noter que la Kaaba renferme la célèbre pierre noire (ou al-Hajar al-Aswad en arabe), une relique qui remonte à Adam et Eve selon la tradition islamique.

Cependant, l'on peut bien s'imaginer que la Kaaba et la pierre noire ne firent pas leur apparition comme par magie à l'époque de Mahomet. Ainsi, qu'en est-il en réalité ? Quelle est la véritable histoire de ce monument et de la relique qu'il renferme ? Et quelle était la place de la Kaaba et de la pierre noire dans l'Arabie pré-islamique ?

La Kaaba.

 

Contrairement à ce que l'on pourrait pernser, la Kaaba n'est une « invention » de l'islam, étant présente dans la péninsule arabique plusieurs siècle avant la naissance de Mahomet. Si les origines de cet édifice sont incertaines, La Mecque est mentionnée pour la première fois au II° siècle par l'astronome grec Claudius Ptolemaeus (francisé en Ptolémée), sous le nom de Makoraba.

A cette époque, les tribus arabes étaient polythéistes, le panthéon pré-islamique comptant une cinquantaine de divinités, certaines d'entre elles ayant fait l'objet d'un syncrétisme avec des dieux ou déesses originaires d'Egypte, de Syrie ou du Moyen-Orient.

Par ailleurs, à l'instar du Japon où les kamis (les esprits) peuvent se dissimuler dans les arbres, les sources ou les animaux, les tribus arabes avaient pour coutume d'ériger des temples afin d'y adorer des pierres ou des rochers.

Ainsi, il existait de nombreux temples abritant des pierres sacrées dans l'Arabie pré-islamique, la pierre noire de la Kaaba n'étant considérée que comme une relique parmi tant d'autres. Il existait donc une pierre rouge à Ghaiman, dans le sud de l'Arabie, et une pierre blanche à al-Abalat, non loin de La Mecque. 

Maxime de Tyr (de son vrai nom Cassius Maximus Tyrius), philosophe grec du II° siècle, rapporte dans ses récits : Les Arabes adorent aussi, mais je ne sais quoi. Quant à l'objet sensible de leurs adorations, je l'ai vu, c'est une pierre quadrangulaire. Quant à Clément d'Alexandrie, un philosophe chrétien qui vécut à la même époque, ce dernier indique : les Arabes adorent des pierres.

 

A l'époque pré-islamique, La Mecque était donc déjà un grand centre religieux (la cité fut peut-être mentionnée implicitement par l'historien grec Diodore de Sicile au I° siècle de notre ère : et un temple a été installé ici, qui est très saint et hautement révéré par les Arabes). Il fut alors interdit de s'attaquer aux pélerins, faisant de cette cité un important carrefour commercial, où les marchands ne tardèrent pas à s'installer.

En effet, le pays étant peu fertile, les principales cités arabes côtières s'addonaient au commerce, négociant avec l'Empire byzantin, la Perse ou le Proche-Orient.

A cette date, le principal dieu du panthéon arabe était Houbal (ou Hubal), divinité lunaire vénérée à La Mecque. Selon la légende, ce dernier avait trois filles, qui faisaient elles aussi l'objet d'un important culte à l'époque pré-islamique : Uzza (ou al-Uzza), déesse de la fertilité ; Manat (ou Manah), déesse du destin ; et al-Lat, déesse de la féminité[1].

Trois divinités pré-islamiques, de gauche à droite : al-Lat, Uzza et Manat.

A noter que le rituel de circunambulation autour de la Kaaba (c'est-à-dire une rotation dans le sens contraire des aiguilles d'une montre), le tawaf, existait déjà à cette époque (à noter que l'un des rites à accomplir était de se raser la tête à la fin du pélerinage).

 

A l'époque de Mahomet, le polythéisme pré-islamique est en perte de vitesse, l'Arabie étant influencée par le judaïsme comme par le christianisme, mais aussi par la culture hellénique du Proche-Orient.

Selon la tradition, Mahomet aurait rencontré pour la première fois l'archange Gabriel en 610, lequel lui aurait transmis la parole de Dieu. Ce dernier, constituant un petit groupe de fidèles, composé d'une cinquantaine de personnes, rencontra toutefois l'hostilité des Mecquois, en majorité polythéistes, chrétiens ou juifs. En raison de son prosélytisme, il fut alors exclu du clan Hashîm, et en 622, il décida de se rendre à Yathrib (aujourd’hui Médine.). L’hégire (ce qui signifie « émigration ») marque le début du calendrier musulman.

En l'espace de quelques années, Mahomet parvint à consolider son autorité, et lança une offensive sur La Mecque en 630, à la tête d'une petite armée. Selon la légende, les Mecquois ouvrirent les portes de la cité sans combattre, et se convertirent à l'islam.

A cette occasion, Mahomet fit détruire toutes les idoles de La Mecque, ainsi que les temples des déesses Uzza, Manat et al-Lat, qui se trouvaient en périphérie de la ville.

Mahomet remettant en place la pierre noire, XIV° siècle.

Cependant, ce dernier ne fit pas détruire la Kaaba, ni la pierre noire, alors que l'islam condamne fermement l'idolâtrie (sourate 46 : N'adorez pas d’autres dieux que Dieu ; car je crains pour vous le châtiment du grand jour). Peut-être dans un souci de syncrétisme ? Ou plus vraisemblablement dans une logique plus terre-à-terre, sachant que si la Kaaba était détruite, la cité perdrait son rôle de centre religieux, et donc aussi celui de carrefour commercial.

 

La pierre noire a donc un statut particulier dans l'islam. Présentée selon les légendes comme descendue du Paradis, alors enveloppée d'une blancheur étincellante, elle se serait noircie à cause de la corruption humaine. Adam et Eve lui auraient construit un autel, détruit lors du Déluge, puis rebâti par Abraham.  

Selon certains hadiths[2], Le calife Omar I° (de son vrai nom Omar ibn al-Khattâb), second successeur de Mahomet, aurait déclaré, alors qu'il se trouvait devant la pierre : Je sais que tu es une pierre et que tu ne peux ni apporter profit ni porter préjudice. Si je n'avais pas vu le messager d'Allah [Mahomet] t'embrasser, je ne t'aurais pas embrassée

Aujourd'hui, c'est cette explication qui est retenue (l'imitation de Mahomet), pour expliquer ce comportement que d'aucun pourrait qualifier d'idôlatre.

Ancienne chasse de la pierre noire.

 

Enfin, concernant la nature de cette relique, force est de constater qu'il s'agit d'une question sujette à controverse. En effet, en l'absence d'une analyse scientifique de la pierre noire, impossible donc d'en connaître sa composition.

En règle générale, la plupart des scientifiques pensent qu'il s'agirait d'une météorite. Cependant, dans certaines chroniques d'époque, il est indiqué que le pierre pourrait flotter dans l'eau, ce qui impliquerait qu'elle soit formée de ponce ou de verre (il pourrait dès lors s'agir d'une impactite, une roche terrestre modifiée par l'impact d'une météorite).

 

En raison du développement très rapide de l'islam (unification de l'Arabie en 632, conquête de la Perse en 634, de la Syrie en 636, de l'Egypte en 642, etc.), l'on pourrait penser que les croyances pré-islamiques disparurent totalement en l'espace de quelques années.

Cependant, certains éléments du folklore arabe ne disparurent jamais totalement, tels les djinns, créatures invisibles anthropomorphes, qui sont clairement mentionnées dans le Coran (sourate 56 : Je n’ai créé les hommes et les génies [djinns] qu’afin qu’ils m’adorent[3]). L'on pourrait aussi citer les Efrits (ou Ifrits), des djinns maléfiques ; les ghoules (de l'arabe al-ghoûl), une race de djinn à l'apparence féminine, qui déterre les cadavres pour s'en nourrir ; ou le poisson géant Bahamut (lui-même inspiré du Béhémot biblique)

Le calife Ali combattant les djinns, XVI° siècle.

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[1] A noter que ces trois déesses sont mentionnées dans le Coran (sourate 53) : Que vous semble el-Lat et al-Uzza ? Et de cet autre, Manat, la troisième idole ? Auriez vous des mâles et Dieu des femelles ? Ce partage est injuste.

[2] Les hadiths sont des recueils de traditions héritées de Mahomet et de ses compagnons. A noter toutefois que ces derniers sont plus ou moins fiables, certains ayant été rédigés 200 ans après la mort du prophète.

[3] A noter que le terme « génie » n'est pas une francisation de l'arabe djinn, ce terme dérivant du latin genius, qui désigne une personne dotée de capacité remarquables (dont dérivent les mots « ingénieur, géniteur, génie militaire, etc. »). Ainsi, il semblerait que l'homonymie des deux mots ait provoqué un mélange involontaire au fil des siècles.

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