Les Francs, comme nous le savons tous,
étaient un peuple originaire de Germanie, qui envahit la Gaule à la chute de
l'Empire romain, à la fin du V° siècle après Jésus-Christ. Ces derniers,
sous la houlette du roi Clovis, parvinrent peu à peu à s'étendre sur
tout le territoire, donnant finalement naissance au royaume de France.
Cependant, qu'en est-il vraiment des origines des Francs ? Ces derniers
formaient-ils vraiment un peuple uni ou bien s'agissait-il de tribus alliées
militairement ? Et enfin, le territoire des Francs formait-il une véritable
entité politique, ou bien ne désignait-il qu'une zone géographique variable
?
De prime abord, il convient de préciser
que les Francs firent leur apparition dès le III° siècle, vers 260 après
Jésus-Christ, alors que l'on imagine généralement qu'ils n'envahirent la
Gaule qu'après la chute de l'Empire romain.
A cette date, Rome était agitée depuis
le début du siècle par une grave crise politique, l'anarchie militaire[1].
Ainsi, alors que les Empereurs romains se succédaient à un rythme effréné,
incapables de mettre un terme à la crise économique et politique, les Francs
mirent à profit cette période troublée.
Lançant une série de raids maritimes contre la Bretagne, les rives de la
Loire, et les vallées de la Seine, les Francs furent finalement repoussés
par le général Postume (de son vrai nom Marcus Cassianus Latinius Postumus),
l'un des trente tyrans, qui s'était proclamé Empereur des Gaules[2].
Ce derniers reculèrent alors vers la Batavie
et la Toxandrie[3],
où ils décidèrent de s'installer vers 280.
Les Francs au III° siècle.
Quelques années plus tard,
en 287, le co-Empereur Maximien[4]décida de s’attaquer aux Francs, afin
de reprendre le contrôle des embouchures de la Meuse, de l’Escaut et du Rhin
(qui étaient d’importantes voies fluviales).
Gennobaud, chef des Francs[5], décida alors d’entamer des pourparlers
avec Maximien.
Ce dernier accepta alors la soumission des Francs, leur conférant le
statut de Lètes[6],
et les autorisant à rester en Toxandrie, derrière
les rives du Rhin. Ces derniers se divisèrent alors progressivement en deux
clans :
les Francs
Saliens[7],
en Toxandrie, et les Francs Ripuaires (ou Rhénans),
établis sur les bords du Rhin.
Au fil des siècles, malgré quelques escarmouches livrées contre l’Empire romain, les Francs
Saliens
restèrent relativement fidèles à Rome, contrairement à d’autres tribus
germaniques bien plus remuantes. Ainsi, ces derniers furent mis à profit par
l'armée romaine, à une époque où de nombreux citoyens romains
refusaient d’effectuer leur service militaire[8].
En outre, l'Empereur
Julien[9]leur accorda le statut de fédérés[10]
en 358.
A noter que dès le
début du IV° siècle, le terme de Francia (dérivé du
germanique franko) fut employé par les Romains pour désigner
le pays des Francs. Cependant, ce mot n'avait vraisemblablement pas
de connotation politique mais plutôt géographique (comme les Balkans
ou le Proche-Orient aujourd'hui).
Finalement, ce n'est
qu'à compter de 430 que les Francs, sous la direction de Clodion le
Chevelu[11],
que les Francs franchirent le Rhin. Ces derniers, progressant vers
le sud, s'installèrent à Tournai.
Clodion le Chevelu, par Paul Lehugeur,
XIX° siècle.
Ils furent autorisés
à y rester par le général Aetius, qui à cette date n'était
pas en mesure de chasser les Francs jusqu'au Rhin.
Ainsi, ce n'est
qu'après la déposition de Romulus Augustule, le dernier
Empereur romain, en 476, que les Francs reprirent leur marche vers
le sud, parvenant à donner naissance, sous la houlette de Clovis, à
l'ancêtre du royaume de France.
Expansion des Francs vers
l'an 460.
Pendant très
longtemps, les érudits attribuèrent aux Mérovingiens une
généalogie légendaire, se basant sur l'Historia Francorum de
Frégédaire, écrit vers 660.
Selon ce récit,
Clodion serait le fils de Pharamond
(ce qui signifie « protecteur de la tribu »), lui-même
fils de Marcomir, roi des Francs Ripuaires à la fin du IV°
siècle. Quant à ce dernier, il descendrait de Francion, neveu d’Enée[12],
qui voyagea jusqu’au Danube suite à la chute de Troie,
y fondant la cité de Sicambrie (dans un récit postérieur, les Troyens
quittèrent Sicambrie et fondèrent Lutèce).
Pharamon porté sur le pavois par les
guerriers francs, par Pierre Henri REVOIL, 1845, musée
national du château et des Trianons de Versailles.
La légende des origines
troyennes des Francs eut un succès retentissant au Moyen Age, étant
colportée par les savants et les troubadours. En effet, non seulement cette dernière donnait aux
Francs et aux Gallo-Romains une origine commune ; en outre, elle faisait
d’eux les héritiers d’un passé prestigieux. Après Rome, fondée par les
descendants d’Enée, arrivait Lutèce (Paris), fondée par les descendants de Francion.
Ce n'est qu'à
compter du XV° siècle que l'origine troyenne des Francs commença à
être remise en cause. Aujourd'hui,
certains
historiens avancent l’hypothèse selon laquelle les scribes du haut Moyen Age
auraient confondu la légendaire Troie avec Colonia Ulpia Traiana (surnommée
Troia),
occupée par les Francs Ripuaires à compter du V° siècle.
Par ailleurs, contrairement
à ce que l'on pourrait penser, les Francs n'étaient pas un peuple à
proprement parler, mais plutôt une ligue, à
laquelle participèrent plusieurs tribus de Germanie :
Bructères, Chamaves,
Chattuaires, Saliens (plus tard rejoints par
les
Ampsivariens, les Teuctères, les Tongres et les
Ubiens).
L'un des premiers à avoir émis cette hypothèse fut l'historien
Nicolas Fréret, dans son ouvrage Sur l'origine des Francs,
publié en 1714. Cependant, ces théories furent considérées comme
portant atteinte à la monarchie, et Fréret fut emprisonné pendant
six mois à la Bastille.
A noter enfin que plusieurs interprétations sont à valoir en ce qui concerne
l’origine du mot « franc. » Ainsi, certains historiens pensent qu’il serait
issu du vieux germain franko, ce qui signifie « lance » ou
« javelot », cette arme devenant le symbole de la ligue franque ; d’autre
émettent l’hypothèse qu’il proviendrait du mot frakaz, ce qui en
vieux germain signifie « hardi » ou « audacieux. »
[2] Pour en savoir plus
sur Postume et les trente tyrans,
cliquez ici.
[3]
Il s’agit de régions correspondant aux Pays-Bas actuels.
[4]
De son vrai nom Maximianus. Il s’agissait d’un général
originaire de Pannonie (région correspondant à peu près à l’actuelle
Hongrie), qui avait été associé au pouvoir par l’Empereur
Dioclétien en 286.
[5]
A noter que Gennobaud est le plus ancien chef franc connu,
précédent Clovis de presque deux siècles.
[6]
Les Lètes étaient des barbares soumis par Rome, chargés de cultiver
les terres situées aux frontières de l’Empire. Bien que pouvant
prétendre à la citoyenneté romaine, les Lètes n’étaient guère
romanisés, et conservèrent souvent leur culture germanique.
[7]
L’origine du terme « salien » est aujourd’hui inconnue, les
historiens ne pouvant émettre que des hypothèses. Peut être
existe-t-il un rapport avec le sel marin des Pays-Bas, région alors
occupée par les Francs.
[8]
Un phénomène vraisemblablement lié au développement du christianisme, qui
condamnait le métier des armes.
[9]
De son vrai nom Claudius Flavius Iulianus. Elevé dans la
religion chrétienne, il resta toutefois fidèle au paganisme, ce qui
lui valut le surnom d’apostat (ce qui signifie « qui renie sa
foi »). A noter qu’il fit de Lutèce (Paris) sa capitale.
Le foedus permettait aux signataires de conserver ses propres
lois et ses propres dirigeants ; les fédérés n’étaient pas soumis à
l’impôt de Rome ; enfin, Rome pouvait faire appel à des soldats
fédérés, cependant, ces derniers conservaient leurs armes et leur
hiérarchie militaire.
[11]
Clodion fut peut-être l'arrière-grand-père de Clovis.
[12] Selon la
mythologie romaine, Enée se dirigea vers
l’Italie suite à la chute de Troie. Ses descendants y fondirent Rome. Pour en savoir plus à
ce sujet,
cliquez ici.