Faux ! En 1715, l'Ecossais John Law de Lauriston
fut le premier à introduire le système du billet de banque en France,
bénéficiant du soutien de la Cour. Cependant, si l'idée du papier-monnaie
était une nouveauté dans l'Hexagone, elle était déjà vieille de plusieurs
siècles
.
John Law de Lauriston, gravure issue de l'ouvrage
Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.
Très tôt dans l'histoire de
l'humanité, les marchands et les banquiers, alourdis par les pièces
de monnaie qu'ils devaient transporter, eurent l'idée du
papier-monnaie, plus léger et plus pratique. Un tel système fut
instauré en Chine au début du VII° siècle, à l'époque de la
dynastie Tang[1].
A noter qu'à cette époque, cette
« monnaie » n'avait rien d'officiel, restant similaire à
un bon au porteur (le billet indiquait les sommes que le
marchand avait déposé à la banque, ainsi que l'endroit où se situait
cette dernière, afin de procéder à la transaction).
Ce système fut officialisé quelques
siècles plus tard, au début du XI° siècle, sous la dynastie Song[2].
Ce premier billet de banque de l'Histoire fut baptisé jiaozi[3].
A noter que déjà à cette époque, les souverains chinois furent
contraints de lutter contre la contrefaçon. Un siècle plus tard fut
mis en circulation un nouveau billet, le huizi, d'un montant
plus important.
Les Mongols, envahissant la
Chine au milieu du XIII° siècle, instaurèrent la dynastie Yuan,
dirigée par Kubilaï Khan (il s'agissait d'un petit-fils de
Gengis Khan). Ce dernier instaura alors le chao, un
papier-monnaie qui connut un important succès, bénéficiant d'une
diffusion plus large que ses prédécesseurs.
Copie d'un billet jiaozi (à gauche), et billet ch
ao
(à droite).
C'est par l'intermédiaire de
l'explorateur Marco Polo, qui visita la Cour de Kubilaï Khan
à la fin du XIII° siècle, que les Européens découvrirent l'existence
du papier-monnaie.
A cette époque, l'idée d'un billet
de banque diffusé par l'Etat marqua les marchands et les banquiers
des cités-Etats d'Italie. Ces derniers, à compter de la fin du XIV°
siècle, commencèrent à utiliser le papier-monnaie, mais sous la
forme de bons au porteur sans caractère officiel (c'est ainsi que
les lettres de change firent leur apparition, facilitant le
commerce et s'échangeant dans toute l'Europe).
Dans le monde occidental, les
premiers billets de banques furent diffusés par la banque de
Stockholm en 1661, qui fit banqueroute trois ans plus tard ; au
sein des Treize colonies[4],
à compter de 1690 ; puis en France, en 1715.
Lorsque John Law arriva en France,
le pays était gouverné par Philippe
d’Orléans, en charge de la régence pendant la minorité de
Louis XV
[5].
A cette date, les caisses de l’Etat étaient vides, et la dette,
colossale, atteignait près de 3 milliards de livres (soit
l’équivalent d’une dizaine d’années de recettes.). C'est alors que
Law proposa au régent de remplacer l’or contre du papier-monnaie, afin de relancer
l’activité économique du pays.
Papier-monnaie de John Law, 1720.
C’est ainsi que le système de Law fut mit en place. Les billets de
banque, plus légers et plus pratiques, circulèrent plus aisément, ravivant
l’économie. Au bout d’un an, les actionnaires reçurent des dividendes de 7%. Law,
qui avait reçu l'autorisation d’ouvrir une Banque générale en 1715, décida
alors de se lancer dans des opérations plus importantes. Il obtint à son
profit la création d’une Compagnie d’occident, chargée d’exploiter
les ressources des territoires français en Amérique du nord.
En 1719, il se fit aussi céder les droits de la Compagnie française des
Indes orientales, récoltant ainsi d’importants bénéfices.
Nommé contrôleur général des finances en janvier 1720, Law constata que
certains actionnaires spéculaient à la baisse sur le cours des actions. Il
décida de mettre en place des mesures coercitives, interdisant la possession
de plus de 500 livres de métaux précieux par foyer, afin d’encourager la
diffusion du papier monnaie.
Mais a
u cours de
l’été 1720, le système de Law fit faillite, les actions ne cessant de
baisser. De nombreux particuliers tentèrent ainsi de se débarrasser de leurs
billets, alors qu’au même moment, les grands du royaume rentraient dans la
banque afin d’y retirer d’importantes sommes d’or. Suite à cet évènement,
des émeutes éclatèrent, contraignant l’établissement à la faillite. A
la fin de l’année, les billets de banque furent supprimés, le système
abandonné, et Law fut contraint à l'exil.
Scène d'émeute dans Paris, gravure issue
de l'ouvrage
Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.
Suite à l'échec du système de Law, l'idée du
papier-monnaie fut abandonnée, ne réapparaissant qu'au cours de la
Révolution française, sous la forme d'assignats. Cependant, ce
nouveau système fut lui aussi un échec, souffrant d'une hyperinflation qui
ruina de nombreux épargnants.
Ainsi, ce n'est qu'en 1803 que furent émis les
premiers billets de banque, officialisés par l'Etat.
[1]
La dynastie Tang régna du début du VII° siècle au début du X° siècle.
En 907, suite à la chute de cette dynastie, l'Empire de Chine se morcela en dix
entités indépendantes.
[2]
La dynastie Song, unifiant le royaume de Chine à la fin du X°
siècle, régna jusqu'en 1279. A cette date, les Mongols, qui
avaient déjà commencé à envahir la Chine quelques décennies
auparavant (s'étendant vers l'ouest, ils parvinrent à former le plus
vaste Empire ayant jamais existé), supplantèrent les Song.
[3]
A noter que les billets étaient imprimés grâce au procédé de la
xylographie, que nous avons évoqué
ici
!
[4] Les Treize
colonies, suite à leur indépendance (proclamée le 4 juillet 1776,
mais obtenue de facto en 1783), donnèrent naissance aux
Etats-Unis d'Amérique.
[5]
A la mort de Louis XIV, en septembre 1715, la famille royale prit
connaissance du testament du défunt, qui prévoyait de
confier la régence à
Louis Auguste de Bourbon, duc du Maine (ce dernier était
un bâtard de Louis XIV.). Philippe d’Orléans, neveu du défunt souverain, ne
recevait qu’une charge purement honorifique, la présidence du conseil de régence.
Toutefois, ce dernier parvint à faire casser le testament de Louis XIV par le
Parlement de Paris. Pour en savoir plus à ce sujet, cliquez ici.