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L'Empire germanique et l'Église


CHAPITRE TROISIÈME : Frédéric Barberousse et Alexandre III, la deuxième phase de la lutte du sacerdoce et de l’Empire

 

II : Règne de Frédéric I° Barberousse (1152 – 1190)

 

            1° Avènement de Frédéric I° – Les désirs de Conrad III furent écoutés, et Frédéric I°, surnommé Barberousse, obtint la couronne. Ce dernier était Gibelin par son père, Guelfe par sa mère, ainsi les Allemands s’attendaient à une réconciliation entre les deux familles.  

Le nouveau souverain était intelligent et aimait l’ordre, mais il était aussi ambitieux et brutal.

Portrait de Frédéric I° Barberousse, miniature de 1188.

Sous son règne, la querelle entre l’Empire et la papauté refit surface, mais cette fois sous une forme différente : sous Henri IV, le conflit fut essentiellement religieux, alors que sous Frédéric I°, il fut politique. Les papes de cette époque défendirent moins leur indépendance spirituelle que leur pouvoir temporel.

 

            2° Accord momentané de Frédéric et de la papauté (1152 – 1155), Arnaud de Brescia – Barberousse ne s’opposa pas à la papauté dès le début de son règne, au contraire, il en fut même le protecteur.

A Rome, un moine tribun du nom d’Arnaud de Brescia, refusait au Saint Siège le pouvoir temporel, et souhaitait que l’Eglise retrouve la pauvreté évangélique. Condamné une première fois par le concile de Sens en 1140, il avait en 1045 soulevé le peuple de Rome contre le Pape Eugène III, puis avait proclamé la république (ce dernier voulait mettre en place une république semblable aux communautés chrétiennes primitives.). Excommunié en 1148, il était malgré ce resté au pouvoir.

Conrad III avait eu écho de ses agitations, mais il n’avait pas eu le temps de réagir, trop accaparé par la croisade.

Frédéric Barberousse décida de mettre fin aux agissements d’Arnaud de Brescia. En septembre 1154, le roi rassembla une armée dans les plaines d’Augsbourg, puis se dirigea vers l’Italie.

Toutes les villes, sympathiques ou non, lui montrèrent du respect, et le roi reçut de tous le serment de fidélité. En Lombardie, il détruisit quelques châteaux qui se montrèrent hostiles.

En juin 1155, il rencontra à Viterbe le pape Adrien IV (qui fut le seul pape anglais de l’histoire.), à qui il promit son rétablissement dans Rome, à condition qu’il soit sacré Empereur.

Le lendemain, les Allemands rentrèrent dans la ville, Arnaud de Brescia fut pendu, son corps brûlé, et ses cendres jetées au Tibre. Barberousse fut alors couronné Empereur par le pape.

En repartant, il ruina Spolète, qui lui avait refusé vivres et argent.

 

            3° Mécontentement des cités italiennes – La conduite de l’Empereur en Italie avait beaucoup déplu aux cités. L’Empereur avait détruit plusieurs châteaux de Lombardie, avait demandé des contributions de vivres et d’argent, etc. Il avait traité en villes sujettes les cités lombardes, habituées depuis plus de 50 ans à se considérer comme indépendantes.

Un mouvement de résistance se dessina dès que Frédéric I° fut rentré en Allemagne, la ville de Milan en prenant les rênes. Cette dernière s’attaqua à Lodi et aux cités alliées avec l’Empereur.

 

            4° Diète de Roncaglia (novembre 1158), la rupture – La ville de Lodi vint se plaindre à l’Empereur des exactions commises par Milan au cours de la diète de Constance, en 1153. Frédéric I° décida alors de mener une nouvelle expédition en Italie, afin de punir ces cités rebelles.

Au cours d’une première assemblée tenue en 1154 à Roncaglia, près de Plaisance, l’Empereur décida de sévir. Milan fut mise au ban de l’Empire, on lui supprima ses droits régaliens, et on lui interdit de battre monnaie (ce privilège fut donné à Crémone, une cité alliée à l’Empire.). Ces mesures n’étaient cependant que théoriques.

 

En 1156, Milan répliqua, à l’aide de ses alliées, Plaisance et Brescia. L’Empereur, qui avait quitté l’Italie, repassa les Alpes, et écrasa ses ennemis, assisté des villes de Lodi, Crémone et Pavie.

En septembre 1158, Milan capitula. Les consuls de la ville durent demander pardon, livrer 9 000 marcs d’or, restituer les droits régaliens de la ville, et prêter serment à l’Empereur. En outre, ce dernier obligea les villes de Plaisance et Brescia à abattre leurs murs et à payer 6 000 marcs d’or.

 

En novembre 1158, une seconde assemblée se réunit à Roncaglia. L’Empereur tenait beaucoup à rétablir en Italie l’impôt impérial, le fodrum : ce dernier servant à entretenir l’armée impériale. Le système était simple, l’Allemagne fournissait les hommes, l’Italie fournissait l’or.

Il fut aussi crée lors de cette réunion la fonction de podestat. L’objectif de ces derniers étant de contrôler les autorités communales.

 

            Nombreux furent les mécontentements qu’occasionnèrent les podestats, qui étaient en fait des espions au service de l’Empereur. Les cités vaincues se plaignirent, évidemment, mais le pape Adrien IV aussi. Frédéric I° lui rétorqua que la papauté lui devait le serment et l’impôt, car le pape Sylvestre avait payé l’impôt à Constantin, dont il était l’héritier.       

 

            5° Le schisme crée par Frédéric I° (1159 – 1180) – Barberousse se vengea de la papauté en opposant un rival au nouveau pape, élu en 1159, Alexandre III (de son vrai nom Roland Bandinelli, d’origine savoyarde.).

Le premier antipape fut le cardinal Octavien, qui, recevant un semblant de consécration papale, prit le nom de Victor IV. Bien que Frédéric I° fut excommunié, il s’entêta. Après quatre ans d’usurpation, Octavien mourut, et l’Empereur le remplaça en 1164 par un autre antipape, Pascal III. Ce dernier mourut aussi, en 1168, puis fut remplacé par Calixte III (qui ne vécut que jusqu’en 1178.). Son successeur fut Innocent III[1]. Quand ce dernier antipape mourut, en 1180, Frédéric I° accepta de faire amende honorable auprès d’Alexandre III.

 

            6° Destruction de Milan (1162) – Mais Milan, qui avait toujours été opposée à la prédominance de l’Empereur, se révolta une fois de plus, exaspérée par les podestats.

Frédéric I° mit alors le siège devant la ville, après en avoir rasé les campagnes alentours. Le blocus durant des mois, les Milanais furent frappés par la peste et la famine, et finalement décidèrent de capituler. Milan livra alors les clefs, le caroccio[2] et la bannière de la ville à Lodi. Barberousse fit 400 otages, dispersa la population, rasa la ville, et récupéra les pierres afin de s’en faire construire un palais.

A cette nouvelle, les villes qui résistaient encore firent dès lors leur soumission.

Le siège de Milan, 1517, musée de Cluny, Paris.

 

Quant au pape Alexandre III, il décida de se réfugier en France, auprès de Louis VII[3]. Il y fut accueilli avec les honneurs. Frédéric I° tenta de gagner les rois de France et d’Angleterre à son antipape, mais il échoua.

L’opinion chrétienne considérait Alexandre III comme le pape légitime, et ce dernier rentra en Italie en 1165, après quatre années d’exil. Il y fut accueilli par une foule en liesse.

 

            Mais ce retour déplut fortement à l’Empereur, et il repassa une nouvelle fois les Alpes. Il arriva à Rome au cours de l’été 1166. Il s’empara tout d’abord de la cité Léonine, puis pénétra dans l’église Saint Pierre. Le pape dut alors fuir à nouveau, et fut remplacé par l’antipape Pascal III. Ce dernier couronna ensuite Barberousse et sa femme.

Mais c’est alors que la dysenterie frappa ses troupes, obligeant l’Empereur à faire rebrousse chemin et à rentrer en Allemagne[4].

 

            7° La Ligue lombarde et la papauté – La destruction de Milan n’avait cependant pas refroidi les ardeurs des cités hostiles à l’Empire. Les podestats se révélèrent si tyranniques, que même les cités alliées à Barberousse, comme Crémone et Lodi, signifièrent leur mécontentement.

En 1167, deux ligues de villes furent crées : une dans la partie occidentale de l’Italie, réunissant Crémone, Brescia, Mantoue et Bergame ; l’autre dans la partie orientale, avec Vérone et Venise.

Peu de temps après, les deux ligues fusionnèrent pour n’en faire plus qu’une : la Ligue lombarde. Une de ses premières décisions fut de reconstruire Milan. Cette dernière, s’alliant à la papauté, bâtit une nouvelle ville en 1168, qui reçut le nom d’Alexandrie. Cette cité était en effet placée sur un point stratégique, reliant la Lombardie à l’Allemagne.

 

            8° Siège d’Alexandrie (1174 – 1175), bataille de Legnano (1176) – Frédéric I° décida de se battre contre la Ligue lombarde. Après de longs préparatifs, il franchit les Alpes en 1174 et vint mettre le siège devant Alexandrie. Le siège dura un an, et fut un échec, les pluies hivernales faisant de la plaine un véritable lac.

Il en appela à ses vassaux qui firent la sourde oreille, en particulier Henri le Lion, duc de Saxe, qui avait d’autres intérêts. Recevant des contingents d’Allemagne et l’aide d’alliés d’Italie, l’Empereur décida de marcher sur Pavie, en 1176. C’est alors qu’il fut arrêté par la ligue.

Les deux armées s’affrontèrent alors au cours de la bataille de Legnano, le 29 mai 1176. Le premier choc fut favorable aux allemands, mais les ligueurs se regroupèrent ensuite autour du caroccio, et parvinrent à l’emporter.

 

            9° De l’entrevue de Venise à la paix de Constance (1177 – 1186) – Frédéric I° voulait briser l’alliance entre la papauté et les communes d’Italie.

En mai 1177 se tint le congrès de Venise, où l’on rechercha un accord entre la ligue et l’Empire. A cette occasion, certaines villes qui avaient lutté contre Barberousse s’allièrent à nouveau avec lui (Crémone, etc.), constatant avec crainte la montée en puissance de Milan.

Il fut décidé d’un armistice, qui devait durer six ans.

En juillet de la même année, l'Empereur germanique se réconcilia avec le pape Alexandre III, dans l’Eglise Saint Marc. Frédéric I° se prosterna devant le souverain pontife, reçut le baiser de la paix, puis en sortant tint l’étrier au pape pour l’aider à monter sur sa monture.

Frédéric I° Barberousse aux pieds du pape, Le Monde Illustré, N° 1043, 7 avril 1877.

 

            En rentrant en Allemagne, l’Empereur se vengea sur Henri le Lion, qui ne l’avait pas aidé au cours de la campagne, lui enlevant presque tous ses Etats, en 1181 (il ne conserva que les petits duchés de Brunswick et de Lunebourg.).

 

            Au bout de six ans, en 1183, l’armistice touchant à sa fin, l’Empereur rencontra les communes au cours d’une assemblée réunie à Plaisance. Les deux partis, jetant les bases d’un futur accord, décidèrent de se retrouver peu de temps après.

 

            C’est ainsi que les communes et Frédéric I° se réunirent une nouvelle fois à la diète de Constance.

Les villes juraient fidélité à l’Empereur, les consuls recevaient de lui l’investiture, elles s’engageaient à payer le fodrum, et à entretenir la route du sacre, allant d’Allemagne jusqu’à Rome. Enfin, Alexandrie devait être rebaptisée Cesarea, en l’honneur de Frédéric I°.

Pour le reste, les communes étaient autorisées à ériger des fortifications, à rendre justice, à s’auto administrer.

Le traité qui fut signé n’était pas réellement un traité de paix, l’Empereur acceptait seulement d’oublier l’insolence de ses sujets révoltés. Mais les contemporains, eux, considérèrent la paix de Constance comme l’acte fondateur de l’autorité des communes. Les villes d’Italie devenaient en effet de véritables Etats cités, sous suzeraineté nominale de l’Empire.    

 

            10° Dernières années du règne de Frédéric I° (1183 – 1190) – Après avoir signé la paix de Constance, l’Empereur ne fut plus intéressé par l’Italie, et ne reprit plus les armes jusqu’en 1189, date à laquelle fut prêchée la III° croisade.

Il mourut noyé en Terre Sainte en 1190.

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[1] Ne pas confondre cet antipape avec le vrai Innocent III, qui régna de 1198 à 1216.

[2] Le caroccio était un char sacré, emblème de la ville. Chacune en possédait un.

[3] Pour plus de détails sur le règne de Louis VII et l’accueil qu’il fit au pape, voir le 3, chapitre troisième, les Capétiens.

[4] Les chroniques anti-impériales disent que les soldats de l’Empereur furent frappés de la peste, envoyée par un ange exterminateur, pour punir Barberousse de ses abus…

 
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