1° Avènement de
Frédéric I° –
Les désirs de Conrad III furent écoutés, et
Frédéric I°, surnommé Barberousse, obtint la couronne. Ce dernier
était Gibelin par son père, Guelfe par sa mère, ainsi les Allemands
s’attendaient à une réconciliation entre les deux familles.
Le nouveau souverain était
intelligent et aimait l’ordre, mais il était aussi ambitieux et brutal.
Portrait de Frédéric I° Barberousse, miniature
de 1188.
Sous son règne, la querelle entre
l’Empire et la papauté refit surface, mais cette fois sous une forme
différente : sous Henri IV, le conflit fut essentiellement religieux,
alors que sous Frédéric I°, il fut politique. Les papes de cette
époque défendirent moins leur indépendance spirituelle que leur pouvoir
temporel.
2° Accord
momentané de Frédéric et de la papauté (1152 – 1155), Arnaud de Brescia –
Barberousse ne s’opposa pas à la papauté dès le début de son règne, au
contraire, il en fut même le protecteur.
A Rome, un moine tribun du nom d’Arnaud
de Brescia, refusait au Saint Siège le pouvoir temporel, et souhaitait
que l’Eglise retrouve la pauvreté évangélique. Condamné une première fois
par le concile de Sens en 1140, il avait en 1045 soulevé le peuple de Rome
contre le Pape Eugène III, puis avait proclamé la république (ce dernier
voulait mettre en place une république semblable aux communautés chrétiennes
primitives.). Excommunié en 1148, il était malgré ce resté au pouvoir.
Conrad III avait eu écho de ses
agitations, mais il n’avait pas eu le temps de réagir, trop accaparé par la
croisade.
Frédéric Barberousse décida de
mettre fin aux agissements d’Arnaud de Brescia. En septembre 1154, le roi
rassembla une armée dans les plaines d’Augsbourg, puis se dirigea vers
l’Italie.
Toutes les villes, sympathiques
ou non, lui montrèrent du respect, et le roi reçut de tous le serment de
fidélité. En Lombardie, il détruisit quelques châteaux qui se montrèrent
hostiles.
En juin 1155, il rencontra à
Viterbe le pape Adrien IV (qui fut le seul pape anglais de l’histoire.), à
qui il promit son rétablissement dans Rome, à condition qu’il soit sacré
Empereur.
Le lendemain, les Allemands
rentrèrent dans la ville, Arnaud de Brescia fut pendu, son corps brûlé, et
ses cendres jetées au Tibre. Barberousse fut alors couronné Empereur par le
pape.
En repartant, il ruina Spolète,
qui lui avait refusé vivres et argent.
3° Mécontentement
des cités italiennes – La conduite de l’Empereur en Italie avait
beaucoup déplu aux cités. L’Empereur avait détruit plusieurs châteaux de
Lombardie, avait demandé des contributions de vivres et d’argent, etc. Il
avait traité en villes sujettes les cités lombardes, habituées depuis plus
de 50 ans à se considérer comme indépendantes.
Un mouvement de résistance se
dessina dès que Frédéric I° fut rentré en Allemagne, la ville de Milan
en prenant les rênes. Cette dernière s’attaqua à Lodi et aux cités
alliées avec l’Empereur.
4° Diète de
Roncaglia (novembre 1158), la rupture – La ville de Lodi vint se
plaindre à l’Empereur des exactions commises par Milan au cours de la diète
de Constance, en 1153. Frédéric I° décida alors de mener une nouvelle
expédition en Italie, afin de punir ces cités rebelles.
Au cours d’une première assemblée
tenue en 1154 à Roncaglia, près de Plaisance, l’Empereur
décida de sévir. Milan fut mise au ban de l’Empire, on lui supprima ses
droits régaliens, et on lui interdit de battre monnaie (ce privilège fut
donné à Crémone, une cité alliée à l’Empire.). Ces mesures n’étaient
cependant que théoriques.
En 1156, Milan répliqua, à l’aide
de ses alliées, Plaisance et Brescia. L’Empereur, qui avait quitté l’Italie,
repassa les Alpes, et écrasa ses ennemis, assisté des villes de Lodi,
Crémone et Pavie.
En septembre 1158, Milan
capitula. Les consuls de la ville durent demander pardon, livrer 9 000 marcs
d’or, restituer les droits régaliens de la ville, et prêter serment à
l’Empereur. En outre, ce dernier obligea les villes de Plaisance et Brescia
à abattre leurs murs et à payer 6 000 marcs d’or.
En novembre 1158, une seconde
assemblée se réunit à Roncaglia. L’Empereur tenait beaucoup à rétablir en
Italie l’impôt impérial, le fodrum : ce dernier servant à entretenir
l’armée impériale. Le système était simple, l’Allemagne fournissait les
hommes, l’Italie fournissait l’or.
Il fut aussi crée lors de cette
réunion la fonction de podestat. L’objectif de ces derniers étant de
contrôler les autorités communales.
Nombreux furent les mécontentements
qu’occasionnèrent les podestats, qui étaient en fait des espions au service
de l’Empereur. Les cités vaincues se plaignirent, évidemment, mais le pape
Adrien IV aussi. Frédéric I° lui rétorqua que la papauté lui devait le
serment et l’impôt, car le pape Sylvestre avait payé l’impôt à Constantin,
dont il était l’héritier.
5° Le schisme crée
par Frédéric I° (1159 – 1180) –
Barberousse se vengea de la
papauté en opposant un rival au nouveau pape, élu en 1159, Alexandre III
(de son vrai nom Roland Bandinelli, d’origine savoyarde.).
Le premier antipape fut le cardinal Octavien,
qui, recevant un semblant de consécration papale, prit le nom de Victor
IV. Bien que Frédéric I° fut excommunié, il s’entêta. Après quatre ans
d’usurpation, Octavien mourut, et l’Empereur le remplaça en 1164 par un
autre antipape, Pascal III. Ce dernier mourut aussi, en 1168, puis
fut remplacé par Calixte III (qui ne vécut que jusqu’en 1178.). Son
successeur fut
Innocent III.
Quand ce dernier antipape mourut, en 1180, Frédéric I° accepta de faire
amende honorable auprès d’Alexandre III.
6° Destruction de
Milan (1162) – Mais Milan, qui avait toujours été opposée à la
prédominance de l’Empereur, se révolta une fois de plus, exaspérée par les
podestats.
Frédéric I° mit alors le siège devant la ville,
après en avoir rasé les campagnes alentours. Le blocus durant des mois, les
Milanais furent frappés par la peste et la famine, et finalement décidèrent
de capituler. Milan livra alors les clefs, le
caroccio
et la bannière de la ville à Lodi. Barberousse fit 400 otages, dispersa la
population, rasa la ville, et récupéra les pierres afin de s’en faire
construire un palais.
A cette nouvelle, les villes qui
résistaient encore firent dès lors leur soumission.
Le siège de Milan, 1517, musée de Cluny, Paris.
Quant au pape
Alexandre III, il décida de se réfugier en France, auprès de Louis VII.
Il y fut accueilli avec les honneurs. Frédéric I° tenta de gagner les rois de
France et d’Angleterre à son antipape, mais il échoua.
L’opinion chrétienne considérait
Alexandre III comme le pape légitime, et ce dernier rentra en Italie en
1165, après quatre années d’exil. Il y fut accueilli par une foule en
liesse.
Mais ce retour déplut
fortement à l’Empereur, et il repassa une nouvelle fois les Alpes. Il arriva
à Rome au cours de l’été 1166. Il s’empara tout d’abord de la cité Léonine,
puis pénétra dans l’église Saint Pierre. Le pape dut alors fuir à nouveau,
et fut remplacé par l’antipape Pascal III. Ce dernier couronna ensuite
Barberousse et sa femme.
Mais c’est alors que la dysenterie frappa ses
troupes, obligeant l’Empereur à faire rebrousse chemin et à rentrer en
Allemagne.
7° La Ligue
lombarde et la papauté – La destruction de Milan n’avait cependant pas
refroidi les ardeurs des cités hostiles à l’Empire. Les podestats se
révélèrent si tyranniques, que même les cités alliées à Barberousse, comme
Crémone et Lodi, signifièrent leur mécontentement.
En 1167, deux ligues de villes
furent crées : une dans la partie occidentale de l’Italie, réunissant
Crémone, Brescia, Mantoue et Bergame ; l’autre dans la partie orientale,
avec Vérone et Venise.
Peu de temps après, les deux
ligues fusionnèrent pour n’en faire plus qu’une : la Ligue lombarde.
Une de ses premières décisions fut de reconstruire Milan. Cette dernière,
s’alliant à la papauté, bâtit une nouvelle ville en 1168, qui reçut le nom
d’Alexandrie. Cette cité était en effet placée sur un point
stratégique, reliant la Lombardie à l’Allemagne.
8° Siège
d’Alexandrie (1174 – 1175), bataille de Legnano (1176) – Frédéric I°
décida de se battre contre la Ligue lombarde. Après de longs préparatifs, il
franchit les Alpes en 1174 et vint mettre le siège devant Alexandrie. Le
siège dura un an, et fut un échec, les pluies hivernales faisant de la
plaine un véritable lac.
Il en appela à ses vassaux qui
firent la sourde oreille, en particulier Henri le Lion, duc de Saxe, qui
avait d’autres intérêts. Recevant des contingents d’Allemagne et l’aide
d’alliés d’Italie, l’Empereur décida de marcher sur Pavie, en 1176. C’est
alors qu’il fut arrêté par la ligue.
Les deux armées s’affrontèrent
alors au cours de la bataille de Legnano, le 29 mai 1176. Le premier
choc fut favorable aux allemands, mais les ligueurs se regroupèrent ensuite
autour du caroccio, et parvinrent à l’emporter.
9° De l’entrevue
de Venise à la paix de Constance (1177 – 1186) – Frédéric I° voulait
briser l’alliance entre la papauté et les communes d’Italie.
En mai 1177 se tint le congrès de
Venise, où l’on rechercha un accord entre la ligue et l’Empire. A cette
occasion, certaines villes qui avaient lutté contre Barberousse s’allièrent
à nouveau avec lui (Crémone, etc.), constatant avec crainte la montée en
puissance de Milan.
Il fut décidé d’un armistice, qui
devait durer six ans.
En juillet de la même année,
l'Empereur germanique
se réconcilia avec le pape Alexandre III, dans l’Eglise Saint Marc. Frédéric
I° se prosterna devant le souverain pontife, reçut le baiser de la paix, puis
en sortant tint l’étrier au pape pour l’aider à monter sur sa monture.
Frédéric I° Barberousse aux pieds du pape,
Le Monde Illustré, N°
1043, 7 avril 1877.
En rentrant en
Allemagne, l’Empereur se vengea sur Henri le Lion, qui ne l’avait pas aidé
au cours de la campagne, lui enlevant presque tous ses Etats, en 1181 (il ne
conserva que les petits duchés de Brunswick et de Lunebourg.).
Au bout de six ans,
en 1183, l’armistice touchant à sa fin, l’Empereur rencontra les communes au
cours d’une assemblée réunie à Plaisance. Les deux partis, jetant les bases
d’un futur accord, décidèrent de se retrouver peu de temps après.
C’est ainsi que les
communes et Frédéric I° se réunirent une nouvelle fois à la diète de
Constance.
Les villes juraient fidélité à
l’Empereur, les consuls recevaient de lui l’investiture, elles s’engageaient
à payer le fodrum, et à entretenir la route du sacre, allant
d’Allemagne jusqu’à Rome. Enfin, Alexandrie devait être rebaptisée
Cesarea, en l’honneur de Frédéric I°.
Pour le reste, les communes
étaient autorisées à ériger des fortifications, à rendre justice, à s’auto
administrer.
Le traité qui fut signé n’était
pas réellement un traité de paix, l’Empereur acceptait seulement
d’oublier l’insolence de ses sujets révoltés. Mais les contemporains,
eux, considérèrent la paix de Constance comme l’acte fondateur de
l’autorité des communes. Les villes d’Italie devenaient en effet de
véritables Etats cités, sous suzeraineté nominale de l’Empire.
10° Dernières
années du règne de Frédéric I° (1183 – 1190) – Après avoir signé la
paix de Constance, l’Empereur ne fut plus intéressé par l’Italie, et ne
reprit plus les armes jusqu’en 1189, date à laquelle fut prêchée la
III°
croisade.
Il mourut noyé en Terre Sainte en
1190.
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