Faux ! Car contrairement à ce que l'on pourrait
penser, la Totenkopf (ou "tête de mort" en français), à l'instar de
la croix gammée, ne fut pas inventée à l'époque de l'Allemagne nazie.
Ainsi, si cet insigne n'est pas aussi ancien que le svastika, il date malgré
tout de plusieurs siècles.
La Totenkopf fit son apparition à l'époque
moderne, sous le règne de Frédéric II, roi de Prusse[1].
Ce dernier procéda à la création d'une unité d'élite, le 5° régiment de
Hussards[2],
arborant un uniforme noir et une tête de mort sur leur couvre-chef. Ces
derniers prirent par à de nombreuses batailles, comme pendant la guerre
de succession d'Autriche[3]
et la guerre de Sept Ans[4].
Hussards prussiens arborant la Totenkopf, vers 1809.
Au cours de la première guerre mondiale[5],
la Totenkopf
fut arborée par certains groupes de
Sturmtruppen,
unité d’élite allemande[6].
Après guerre, la cavalerie, devenue obsolète, se mécanisa rapidement. C'est
ainsi que la tête de mort devint l'emblème des unités mécanisées, porté sous
forme de pattes de col sur uniforme noir
(pendant la seconde guerre mondiale, la Totenkopf fut aussi arborée
par la
Kampfgeschwader 54Totenkopf,
une unité de bombardiers).
Casque de Sturmtruppen arborant une Totenkopf par dessus deux grenades à
main, vers 1916 (à gauche) ; Totenkopf arborée comme insigne par les unités
motorisées, vers 1940 (à droite).
Adolf Hitler, leader du parti national-socialiste des travailleurs allemands(Nationalsozialistische
Deutsche Arbeiterparteiou
NSDAP)
depuis 1921, donna naissance la même année à la
SA(Sturmabteilungen
allemand, ou « bataillon d’assaut »), service d'ordre du parti nazi. Peu de
temps après, en 1925, Hitler fonda la SS (Schutzstaffelen
allemand, ce qui signifie « escadron de protection »). Il
s'agissait à l'origine d'une sous-section de la SA, chargée de
la protection du Führer.
Tenue de SA (à gauche) et de SS (à droite), Imperial war museum, Londres.
Au cours des années 1930, sous la
direction d'Heinrich Himmler[7], la
Schutzstaffel
prit de plus en plus d'importance. C'est à cette époque que la Totenkopf fut adoptée par lesSS, Himmler considérant que la tête de mort rappelait aux
soldats qu'ils étaient prêts à faire le sacrifice de leurs vies pour le bien de la
communauté.
Totenkopf arborée comme insigne par les SS.
Au sein de la SS, la Totenkopf était arborée sur les coiffes des soldats et
des officiers. L'emblème à tête de mort, métallique, était plus grand que
celui des unités mécanisées de la Wehrmacht[8].
A noter par ailleurs que la Totenkopf fut l'insigne de la division SS
Totenkopf, unité combattante de la Waffen SS[9]
; mais aussi des unités SS Totenkopfverbände (« formations
à tête de mort » en français), chargées de la surveillance des camps de
concentration.
Après la seconde guerre mondiale, la Totenkopf fut considérée comme l'un des
symboles de la barbarie nazie, au même titre que le svastika. Très décrié,
il est aujourd'hui utilisé par les mouvements néo-nazis, mais aussi parfois
par des groupes issus de la mouvance punk.
[1]
Frédéric II, contemporain de Louis XV, régna de 1740 à 1786. Ce
dernier, soucieux d'opérer la jonction entre ses deux possessions, à savoir la
Prusse et le Brandebourg, mena plusieurs conflits contre l'Autriche, choisissant
l'alliance française ou anglaise en fonction des besoins. A sa mort, Frédéric II
laissait un royaume agrandi et unifié.
[2]
Les hussards faisaient partie de la cavalerie légère (à l'inverse
des cuirassiers, lourdement armés et équipés).
[3]
A sa mort, en septembre 1740,
Charles VI, Empereur germanique et archiduc d'Autriche, ne
laissait pas d'héritier mâle. Ce dernier n'avait qu'une fille,
Marie Thérèse, âgée de 23 ans.
Frédéric II, percevant cette situation comme un aveu de faiblesse,
en profita pour attaquer l'Autriche. Le conflit, qui dura sept
ans, s'acheva sur une victoire franco-prussienne en 1748. Toutefois,
si Frédéric II parvint à agrandir ses Etats, Louis XV, au contraire,
décida d'adopter une position d'arbitre plutôt que de conquérant.
C'est ainsi que naquit
l’expression se battre pour le roi de Prusse.
Pour en savoir plus sur ce conflit, cliquez ici.
[4] Quelques
années après la fin de la guerre de succession d'Autriche, en 1756,
Frédéric II signa un traité d'alliance avec l'Angleterre ; la même
année, la France répliqua en se rapprochant de l'Autriche, ce qui
déclencha la guerre de Sept Ans. Ce
conflit, opposant principalement la France à Angleterre ainsi que l’Autriche
à la Prusse, se déroula sur trois théâtres d’opérations distincts : en
Europe, en Amérique du nord et en Asie. La guerre de Sept Ans s'acheva sur
une défaite française, Louis XV étant contraint de céder le Canada, la Louisiane,
et plusieurs comptoirs d'Inde à l'Angleterre ; Frédéric II, quant à lui,
ayant cumulé les revers, se contenta de sauvegarder les territoires
acquis aux dépends de l'Autriche en 1748. Pour en savoir plus sur ce
conflit,
cliquez ici.
[5]
Pour en savoir plus sur le premier conflit mondial,
cliquez ici.
[6]
Les
Sturmtruppen
(ou Stoßtruppen,
ce qui signifie « troupes de choc »), firent leur apparition dès 1914 ;
toutefois, l’Etat-major allemand ne parvint à perfectionner la tactique de ces
unités d'élite qu’en cours d’année 1916.
[7]
Himmler, né en octobre 1900, n’avait pu participer à la première guerre
mondiale en raison de son jeune âge. Adhérant au
NSDAP dès
1923,
il fut nommé chef de la SS en 1929 (c’est à compter de cette date que
cette unité, bien que section subalterne de la SA, devint de plus en plus
puissante). En 1936, toutes les polices allemandes furent réunies sous la
direction d’Himmler, faisant de ce dernier l’un des principaux dignitaires
du troisième Reich.
[8]
C'est ainsi que fut baptisée l'armée allemande à compter de 1945 (Wehrmacht signifiant
« force de défense » en français). A noter que la Wehrmacht était composée
de trois éléments : laHeer(armée
de terre), la Luftwaffe (armée de l’air) et la Kriegsmarine (marine
militaire).
[9]
La Waffen SS, fondée en 1939, était la branche militaire de la SS, cette organisation ayant
prit de l’importance au fil des années. Ainsi, la Schutzstaffel avait aussi une fonction policière (création duRSHA, Reichssicherheitshauptamten
allemand, réunissant toutes les polices allemandes, en septembre 1939),
idéologique (création du Lebensbornen
1935, association destinée à assurer le développement de la « race
aryenne »), et scientifique (création de l’Ahnenerbeen
1935, organisation consacrée à la recherche archéologique et
anthropologique)