Ainsi, lorsque l'on parle des pyramides d'Egypte, l'on pense avant tout à
celles qui furent érigées sur le plateau de Gizeh. Mais en existe-t-il
d'autres ? La tradition s'est-elle achevée avec Mykérinos, qui fit
construire une pyramide plus petite, peut-être dans le but de moins accabler
son peuple ? Ou bien existe-t-il des dizaines de pyramides méconnues
réparties dans toute l'Egypte ?
En réalité, les première pyramides ne
datent pas de la IV° dynastie (XXVI° à XXV° siècle avant notre ère), mais
bien de la III° dynastie (qui régna sur l'Egypte du XXVII° au XXVI°
siècle).
Le premier souverain à faire ériger un
tel édifice fut le pharaon Djoser
(ce qui signifie « le saint »),
fondateur de cette dynastie, s'appuyant sur l'architecte Imhotep.
C'est ainsi que fut construite la pyramide de Djoser, sur le plateau
de Saqqarah (à noter qu'il s'agit d'une pyramide à degrés,
contrairement à celles de la IV° dynastie qui sont à face lisse).
La pyramide de Djoser.
Les successeurs de Djoser,
Sekhemkhet, Khaba et Houni, firent eux aussi ériger leurs
propres pyramides. Cependant, soit à cause de la mort prématurée de ces
souverains ou bien des ravages du temps, ces édifices sont aujourd'hui
réduits à l'état de ruines.
Au cours de la IV° dynastie, plusieurs
pyramides furent érigées avant celles de Khéops, Khéphren et Mykérinos. La
première fut la pyramide de Meïdoum, dont la construction avait
commencé à l'époque du pharaon Houni, puis s'acheva sous le règne de
Snéfrou
(ce qui signifie « celui qui rend parfait »),
fondateur de la IV° dynastie (cette dernière, de forme inhabituelle, resta
inachevée).
La pyramide de Meidoum.
Par la suite, Snéfrou fit ériger deux
autres monuments : la pyramide rouge (il s'agit de la première
pyramide à face lisse) et la pyramide rhomboïdale, toutes deux
situées
à Dahchour, au sud de Saqqarah
(à noter qu'en raison d'un affaissement survenu lors de l'érection de la
pyramide rhomboïdale, Snéfrou aurait mi la pyramide rouge en chantier).
La pyramide rouge (à gauche)
et la pyramide rhomboïdale (à droite).
Les successeurs de Snéfrou, Khéops (à
noter qu'il s'agit de son nom grec, son vrai nom étant Khoufou),
Khéphren (Khafrê) et Mykérinos (Menkaouerê), érigèrent à leur
tour les célèbres pyramides du plateau de Gizeh.
Les pyramides de Gizeh.
Cependant, contrairement à ce que l'on
pourrait croire aujourd'hui, la
« mode » des pyramides ne s'acheva pas avec la IV° dynastie,
continuant encore pendant plusieurs siècles.
Ainsi, au fil des années, les pyramides
devinrent plus petites (la pyramide de Khéops reste donc la plus grande,
culminant aujourd'hui à 145 mètres, contre 230 autrefois),
mais furent décorées avec des matériaux de grande valeur (façades
recouvertes de calcaire blanc, piliers de granite, dalles de basalte, murs
d'albâtre, etc.), témoignage d'une complexification des méthodes de
construction.
Cependant, ces roches de grande valeur
entraînèrent rapidement l'attention des pillards, qui saccagèrent ces
précieux monuments dès l'Antiquité. Ainsi, alors que les pyramides du
plateau de Gizeh étaient de conception sommaire (la roche utilisée pour la
construction n'avait pas grande valeur), elles résistèrent mieux aux ravages
du temps, contrairement à celles érigées plus tardivement, qui furent
dévastées en l'espace de quelques siècles (à noter d'ailleurs que les
pharaons de la XII° dynastie n'hésitèrent pas à utiliser des
fragments des pyramides de la V° dynastie, afin de se présenter comme les
héritiers de l'Ancien Empire).
Ouserkaf
(ce qui
signifie « son
ka
est puissant »),
fondateur de la V° dynastie, fit
ériger une pyramide à Saqqarah, non loin de celle de Djoser (ce dernier,
arrivé au pouvoir suite à plusieurs années de troubles, fit cela afin de se
présenter comme un héritier de la III° dynastie).
La pyramide d'Ouserkaf.
A noter que les pharaons de la V°
dynastie inaugurèrent un nouveau type de bâtiment, le temple solaire,
érigé en parallèle de leur pyramide (cela s'explique par le fait qu'Ouserkaf
aurait eu des liens familiaux avec le clergé de Râ à Héliopolis).
Les successeurs d'Ouserkaf, Sahourê,
Neferirkarê,
Niouserrê
et
Menkaouhor,
firent construire chacun un temple solaire et une pyramide (toutes
érigées sur le plateau d'Abousir, au nord de Saqqarah, sauf celle de
Menkaouhor, qui préféra la faire construire à Saqqarah, près de
celles de Djoser et d'Ouserkaf). De ces édifices magistraux, bâtis
avec des matériaux précieux, il ne reste aujourd'hui que des ruines.
Djedkarê I°, qui succéda à
Menkaouhor, rompit avec la tradition dynastique en ne faisant pas
bâtir de temple solaire. Sa pyramide, quant à elle, fut érigée à
Saqqarah, auprès de celle de son prédécesseur (à noter que l'on ne
connait pas précisément les liens unissant Djedkarê aux précédents
pharaons). Fait rarissime,
les égyptologues ont retrouvé la momie de ce pharaon dans son
sarcophage.
La pyramide de Djedkarê.
Ounas, dernier pharaon de la V°
dynastie, fit lui aussi ériger sa pyramide à Saqqarah. A noter que
cet édifice
est considéré aujourd'hui comme la plus ancienne
pyramide à textes
connue (en effet, l’on y a retrouvé une chambre funéraire recouverte
d’inscriptions à caractère religieux).
Gaston Maspéro dans la chambre funéraire de la pyramide d'Ounas, gravure
issue de l'ouvrage Histoire de l'Egypte, par Gaston MASPERO,
France, XIX° siècle.
A la mort d'Ounas, le pouvoir
échut à son gendre, Téti I°, qui donna naissance à la VI°
dynastie.
Ce dernier, reprenant à son
compte les traditions héritées de la V° dynastie, fit ériger une
pyramide à textes sur le plateau de Saqqarah. Cette dernière fut
richement décorée, comme le voulait la tradition. Cependant, ce
monument ne résista guère aux ravages du temps (bien que restauré à
l'époque de Ramsès II, soit mille années plus tard), et
aujourd'hui la pyramide de Téti ressemble plus à une colline de
gravats qu'à l'édifice somptueux qu'il était autrefois.
La pyramide de Téti.
Les successeurs de Téti I°, Pépi I°,
Merenrê et
Pépi II, firent chacun construire leur pyramide sur le
plateau de Saqqarah. Cependant, ces derniers furent contraints de
faire face à la montée en puissance des nomarques (l'Egypte
était alors divisée en nomes), qui profitèrent de
l'affaiblissement du pouvoir royal pour obtenir l'hérédité de leurs
charges, aboutissant à la création de petites dynasties régionales.
C'est ainsi que débuta la
première période
intermédiaire, période de crise qui dura une centaine d'années (du
XXII° au XXI° siècle avant Jésus-Christ), et au cours de laquelle se
succédèrent de nombreux pharaons, qui n'eurent pas le temps d'ériger
de pyramide.
Le seul souverain à avoir érigé
une pyramide pendant cette période fut sans doute le pharaon
Kakarê de la VIII° dynastie, qui la construisit sur le
plateau de Saqqarah (à noter toutefois que certains égyptologues
pensent qu'il ne s'agirait que d'un simple mastaba, qui ne
fut jamais achevé en raison de la courte durée de règne de ce
souverain).
Finalement, les princes de
Thèbes parvinrent à l'emporter sur leurs rivaux du nord, sous le
règne de Montouhotep II, de la XI° dynastie. Ce
dernier lutta pendant près de trente ans pour imposer sa domination
sur toute l'Egypte, parvenant à se faire reconnaître comme unique
pharaon vers 2020 avant Jésus-Christ (c'est ainsi que naquit le
Moyen Empire).
Ce dernier n'érigea pas une pyramide mais un
temple funéraire
à Deir el-Bahari, où il fut inhumé à sa mort.
Vestiges du temple funéraire de
Montouhotep II, Deir el Bahari.
Suite au décès de ce souverain, le trône échut à
Montouhotep III,
qui eut un règne court, puis à son fils Montouhotep IV, qui
fut rapidement déposé (ou tué ?) par
Amenemhat I°, fondateur
de la XII° dynastie
(son nom signifie « Amon est le premier »).
Ce dernier reprit à son compte
la politique de Montouhotep II,
bien que mettant fin à la prééminence du dieu
Montou,
remplacé par
Amon (Amenemhat étant le
fils d'un prêtre du nome d'Eléphantine, où était vénérée cette
divinité).
Amenemhat I°, soucieux de se présenter comme l'héritier de l'Ancien
Empire, fit ériger une pyramide de briques à Licht. Par ailleurs, ce
dernier fit incorporer à cet édifice des blocs provenant des
pyramides de Khéops, Khéphren (IV° dynastie), Ounas (V° dynastie),
et Pépi II (VI° dynastie).
Pyramide d'Amenemhat I°.
Les successeurs d'Amenemhat I° érigèrent à leur tour plusieurs
pyramides, mais à des emplacements différents : celle de
Sésostris I° fut bâtie à Licht, comme son prédécesseur ; celle
d'Amenemhat
II
à Dahchour (comme celles de la III° dynastie) ; celle de Sésostris
II à El-Lahoun, dans la région du Fayoum ; celle de
Sésostris III
à Dahchour.
Amenemhat III,
quant à lui, fit construire deux pyramides, l'une à
Dahchour (surnommée la pyramide
noire car,
ruinée, seul subsiste le cœur composé de briques qui a servi de base
à l’édifice), l'autre
à Hawara, dans la région du Fayoum (c'est dans cette dernière
qu'Amenemhat
III fut inhumé à sa mort, vers 1797 avant notre ère).
Pyramide d'Amenemhat III à Dahchour (à gauche) et à Hawara (à droite).
A la mort de ce souverain,
l'Egypte connut une nouvelle période de crise, le pouvoir royal
étant de plus en plus contesté par les fonctionnaires royaux. C'est
ainsi que débuta la seconde période intermédiaire, au XVIII°
siècle avant Jésus-Christ. Par ailleurs,
l’invasion des Hyksos,
un peuple originaire du Moyen-Orient, ne fit qu'ajouter un peu plus
à la confusion ambiante.
Néanmoins, si les premiers
souverains de la XIII° dynastie se succédèrent à un rythme
rapide, quelques-uns eurent suffisamment de temps pour faire ériger
leur pyramide (l'on peut citer les pharaons Kemaou et
Khendjer, dont les édifices, à l'origine de taille modeste, sont
aujourd'hui en ruines).
Cette longue période de
troubles, qui dura près de trois siècles, prit fin vers 1550 avant
notre ère, sous le règne du pharaon Ahmosis de la XVIII°
dynastie.
Fresque représentant Ahmosis I° faisant une offrande au dieu Montou, British
Museum, Londres.
Ce dernier, parvenant à chasser
les Hyksos hors d'Egypte, parvint finalement à réunifier le pays.
Ahmosis, se présentant comme l'héritier du Moyen Empire, fit
restaurer de nombreux monuments, puis décida d'ériger une pyramide
dans la nécropole d'Abidos.
Toutefois, cet édifice fut
vraisemblablement un cénotaphe, Ahmosis ayant préféré être inhumé
dans la nécropole
de Dra Abou el-Naga, à l’instar de ses prédécesseurs.
A noter néanmoins qu'il s'agit de la dernière pyramide érigée en
Egypte.
En effet, à compter de cette
époque, les pharaons préférèrent se faire inhumer dans des tombeaux
somptueux, creusés dans la vallée des rois (située non loin
de Thèbes), ce qui était plus rapide
et moins onéreux que la construction d'une pyramide, et qui
permettait aussi une meilleure protection contre les pillards.
Ainsi, comme nous pouvons le
constater, les pharaons de la IV° dynastie ne furent pas les seuls à
ériger des pyramides, bien au contraire. Ainsi, l'on en compte
aujourd'hui près d'une quarantaine, sans compter les petites
pyramides réservées aux reines et à la famille royale, qui
entouraient l'édifice principal (soit une centaine au total).
Cependant, comme nous l'avons vu
plus tôt, ce sont les pyramides du plateau de Gizeh, les plus
anciennes, qui ont finalement le mieux résisté aux ravages du temps.
Ironie de l'Histoire, les pyramides érigées par les dynasties
postérieures, plus perfectionnées et plus richement décorées,
attirèrent
rapidement l'attention des pillards et furent dévastées dès
l'Antiquité.
Néanmoins, force est de
constater que la tradition pyramidale, qui dura pendant plus de
mille ans, démontre que la civilisation égyptienne était très
attachée aux traditions héritées du passé.
Par ailleurs, l'Egypte antique n'en
finit pas de fasciner l'inconscient collectif, car un grand nombre
de questions restent toujours en suspens : comment on été
construites les pyramides, que représente de Sphinx de Gizeh,
existe-t-il encore des tombeaux ou des trésors enfouis,
trouvera-t-on un jour le tombeau d'Alexandre le Grand à
Alexandrie, etc
.